Dans l'atelier

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I - Dans l'atelier

"Mais deux sortes de champs s’ouvrent à ma pensée : le premier, celui de l’être limité, distinct du reste du monde, et dont l’intérêt bien compris est sordide ; et le second, celui de l’être souverain, que je demeure, qui n’est au service d’aucune entreprise et pas même de son propre intérêt égoïste... "
Georges Bataille ; René Char et la force de la poésie (Critique, octobre 1951)

Faire un plan, décider des couleurs, choisir l’instrument.
Mai 1999

. A la résurgence de ce que fut la douleur de l’enfantement, à la source de la méprise et du renoncement, en ordre de marche, en ordre de mort, vers la mort qui décide.
0h ! La mort immatérielle !

. Appeler, mais de si loin, d’un arrière-pays, au bout d’une vie, cette rupture du ciel et de la terre, imperceptible, dissimulée dans une lumière blanche, à peine agitée ; il faut imaginer : le sable à perte de vue, la mer à perte de vue, peu de ciel, peu de vagues, suffisamment de lumière pour commencer à fermer les yeux, et cette mémoire installée à demeure, un défilement d’images, ininterrompu, impossible à maîtriser, sur l’horizon comme un écran, mouvant mais arrêté, au moment où la lumière change et s’ombrage, avec quelques pointes chaudes de larmes rouges. Dans un moment les ombres démesurées toucheront le ciel, tombées du ciel, le rattrapant pour l’obscurcir, bientôt un étirement dans le fil de lumière qui, seule concession au silence qui vient, partage le monde en deux, en haut, en bas, en bas dans un agacement d’étoiles et de peur et de rire, pour que la mémoire ne reste jamais vide, pour débuter comme à chaque fois au détour d’une voix qui appelle, inécoutée, effilée sur un ciel, en haut, devenu froid.

. C’est se détruire qu’écrire à l’arraché, c’est se détruire que penser malgré tout, c’est se détruire que prétendre avancer, c’est se détruire que danser sans penser, c’est se détruire que penser sans danser, sans chanter, sans disposer du monde contre soi, en soi. C’est se détruire en reprenant vie avec des mots.

. C’était une ombre, ce grand regard, pour Saint-Eustache, c’était désobéir. Désobéir et naître, s’extraire et se punir, oublier, liquider le vaste monde à l’abri d’un coin de la mémoire, avancer jusqu'à l’avancée d’une lumière blanche extirpée de l’ombre, contre Saint-Eustache, s’interdire de croire et s’endormir, dormir parfois, s’enivrer mais respirer toujours, casser les deux miroirs, se glisser entre le verre et le tain, passer dans un reflet, être ombre et lumière, tenir Saint-Eustache dans un seul coup d’œil et naître.

. Cet instant en instance pour lequel je me suis préparé et qui me surprendra pourtant.

. C'était la lune baignée des arches de San Marco, cet instant où la mer bascule contre les portes noires, où les enfants grandissent. Nous passions non loin des fleurs byzantines, devinées à peine sur le reflet de l'eau. D'une main à l'autre, comme des enjambées de talus bleus, j'ai écouté les histoires chantées de l'eau et du silence.

. De maison en maison, d’une porte à l’autre, en grandes traversées hallucinées, sans ordre, sans volonté précise, une pièce encore, une, une, chacune murée et silencieuse, où l’air noircit à force de fixer la lumière. A l’autre bout, une porte encore ouverte et ce qui me semblait être la vie. Seulement, il y a la lumière, à pic.

. Cette surprise quand il y a du soleil, la lumière qui inonde les fenêtres comme des devantures dans la nuit. Comment penser la lumière sans fermer les yeux ? Comment penser la danse quand on boite ? Comment penser le monde quand il faut le quitter ? En instance dans la lumière, la chute est maladroite, impossible, la chute vers le ciel.

. Je reviendrai contre les murs dressés mais qui ont disparu, contre des portes noires mais ouvertes, contre l’instant même, dans cet instant, une suite d’instants. J’habiterai cette maison où le rire exulté désassemble la lumière, qui ressemble à toutes les maisons que j’ai traversées, et cette lumière encore où c’est le désordre et cette insistance à jouer avec les sentiments, les errements des mains, où je reviendrai mais c’est la peur, où je m’arrêterai quand ce sera la fin du rêve, dans le secret du sommeil.

. Tous ces morceaux de ciel et de terre, dans l’atelier en désordre, jetés dans un ciel encore intact, en vrac, toutes ces pièces d’humanité qui attendent d’être assemblées.
Dans l’atelier, le ciel s’est couvert.

. Dans l’ombre sur l’ombre, l’ombre glisse jusqu'à la lumière, comme des interstices sur plus de lumière, comme une clarté qui passe d’une main à l’autre, d’un œil à l’autre, comme autant de petits soubresauts de rire qui tombent encore quand la  nuit installe ses paravents or et bleus. Seul instant possible de notre douleur à deux mains. Seule intrusion acceptable du réel dans la réalité. Dans l’ombre, mais l’ombre passe.

. Ecrire - Elle est fugace, elle est fragile. Cette vie, la vie seulement. Nous nous brûlons à ses larmes. Cette réalité plantée dans le cœur, l’escalade est finie, nous croyons tomber, nous finirons écrasés par le ciel, un ciel d’été, élevé par un archet léger, un ciel comme un éclair, chapardeur de la nuit.

. Trouver sa place sur la place du soleil, dans l’atelier du peintre, ce désordre apparent de la lumière sur la lumière, fait de juxtapositions alternativement éteintes et blanches, effervescentes et droites, où le tableau est ombre, d’abord une tache sur le ciel puis ciel tout entier, ciel à ciel ouvert où les clartés s’épuisent, devenues clandestines, rumeurs inavouées d’un désir de dire sans mot, sans voix, aplats successifs d’absences où il est naïf d’exister. Il n’y a rien, seule la lumière émiettée joue sa place.

. Fuite que dérober ce plaisir si futile, épars et martelé par tant de cris qu’il n’est qu’une grimace éructée, un masque, une nausée, ce plaisir à demi-jour, mal partagé, ce plaisir élevé sans grâce où la douleur prend sur la douleur, ce plaisir arraché dans le grand escalier noir, dévasté parce que la gorge ne sait plus parler.

. Je m’installerai dans une vie en surplomb, au droit de mon existence et je m’enivrerai d’épuisement à tenir contre le vertige.

. Le ciel a si peu de poids. Ce sont des murs blancs qui bornent ma course, si peu le ciel, si peu la terre. Tout autour, la nuit habitée, si peu redoutable, parce qu’elle change à notre rencontre, parce qu’elle permet de voir autrement, en avant de l’espérance, en avant de toutes les nuits à venir.

. Imperceptiblement, glisser hors de cette vie, s’imprégner de cette chute, irrésistible, lente jusqu'à la révulsion, mais sans attrait pour la mort, rester éveillé parfois, puis glisser, glisser encore comme on marche sur les dunes, vers l’eau, s’arc-bouter à ce seul geste qui nous fait exister, glisser.

. Les bateaux sont les seuls voyageurs, ils caressent et ils aiment. Ils meurent. Les nœuds défaits du plaisir nous trompent. A la ligne du soleil, où les oiseaux ne se posent plus, scintilleurs infatigables, il ne reste rien, ni ombre, ni lumière. La mer n’a cure de la mémoire, elle a donné ce cœur et ce désir et nous avons admis leur légèreté, nous n’attendions aucun secours.

. Instant défait, la nuit seulement, dans les mots, la nuit à la dérive. Instant parfait, nulle part où penser, nulle part où rêver. C’est déjà le silence . C’est enfin le silence et l’escalier noir tourne et craque, disparaît dans l’ombre, vers le bas, vers le haut, l’escalier dévalé vers la terre terrible, branle sur le vide, ailleurs à la croisée des arches, il est sans limite connue. Nous nous sommes accoudés au parapet du ciel. Nous avons tout arpenté. Nos terres étrangères deviennent communes, nos signes habituels, notre vie familière. Encore la nuit, encore le silence.

. Mendiant de certitudes, arrimé aux mots - ces introuvables mots. Instants délictueux, résorption du hasard... je n’écris pas, je danse ; je n’écris pas, je joue, à contre-vie, à contretemps, justement il n’y a pas de temps. Juste des contre-voies. C’est avant, c’est après, dans un réduit irréductible parce qu’à la place de l’espace, il y a le sang. Je n’écris pas, j’arpente. Quelle était la réponse quand je fermais les yeux et qu’il y avait encore du silence ? Quelle était la question, dans le silence revenu ?

. Tout s’arrête à la rive des étoiles, s’arrête et commence comme au premier jour, le jour où il inventa la tête éclatée de nuit, pleine de nuit et de cris, si vivante et si bleue, posée contre la lumière, à peine visible, toute écrasée de jour, tête aveuglée de son rêve.

. Une avancée sur le silence, un embarcadère sans départ, la ligne abstraite d’un horizon disloqué mais qui disparaît, qui s’effondre, où tombe notre douleur, où notre douleur n’a plus d’épaisseur, passée de la réalité au silence, en instance d’effacement.

. Vision maladroite, instantanée, la lumière arpentée de toute part, retournée, fouillée, bascule, tombe toujours quand nous tentons de revenir au monde. Nous naissons encore. Etre pour naître.

. Unité du lieu, fragmentation du temps, incertitude née d’instants sans lieu, d’un état à un autre, vacuité de la lumière sur un mur blanc, pourtant les bruits extérieurs sont rassurants, il existe quelque chose, inaperçu, derrière soi.

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II - Les sculptures chantent

                                                                          A Igael Tumarkin

[...] s'il y a un péché contre la vie, ce n'est peut-être pas tant d'en désespérer que d'espérer une autre vie, et se dérober à l'implacable grandeur de celle-ci.
Albert Camus - Noces, L'été à Alger


Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.
René Char - Le poème pulvérisé


1
Je descendrai les marches du ciel vers la terre, de la terre vers le centre de la terre, j'irai en enfer, où il n'est pas possible de croire, je profiterai du dernier plaisir, m'étendre, comprendre que je pèse sur ma chair et mes os, basculer, m'effondrer, m'enflammer, je descendrai dans un labyrinthe d'ombres, marche après marche, jusqu'à l'ombre pure,
je descendrai droit vers l'enfer où la passion se calme, où, dans le silence, je pourrai m'allonger et regarder au-dessus de moi l'enchevêtrement des voûtes et des poutres traversées d'escaliers noirs, au-dessus de moi, comme un mur tendu,
je marcherai comme marche un homme libre, entre les entrelacs de pierre, les pierres élevées sur la terre et, dans l'entre-deux des arches sombres, je descendrai encore, attentif, je descendrai parce que c'est nécessaire, je deviendrai arpenteur des rochers et des ressacs d'ombre de l'enfer,
je bousculerai les étoiles, c'est le seul chemin possible et je m'allongerai les yeux ouverts, tout au bout de ces dédales noirs, comme autant d'artifices de ma vie, au bout de ma vie, en enfer sous un ciel étourdi.

2
Quand il côtoie le vide, quand il approche le ciel, quand il s'éloigne hors des chemins, quand il invective l'orage sous l'orage, quand le soleil lui garde une place, quand il tombe, mais il tombe debout,
avec si peu de mots, il invente le jour vivant, des yeux pour la nuit, il vit arc-bouté à la lumière, là-haut, au belvédère de Belvoir  et si c'est le silence, c'est encore une fête irrespectueuse, une fête d'étoiles, quand il raconte les ombres du monde, sa naissance,
et là, plantée, la foudre droite, la foudre fraternelle, cette histoire des hommes, cette répétition générale au déambulatoire des désirs, juste tentation d'arrimer la terre au vent et le vent au ciel car il n'y a de promenade qu'humaine,
contre la mort, le marteau redouble sa cadence, à midi, contre la mort, contre toutes les morts, contre tous les renoncements, le marteau redouble sa cadence, le marteau qu'il tient étincelle, blanc sur noir, rouge sur blanc, face au soleil, étincelle et roule et danse.

3
Seul avec ses rêves dans ses rêves, l'arpenteur insatiable, l'enchanteur encerclé brise justement ses enchantements, il doute et frappe, il ne brandit jamais le poing, il le lance et s'il raconte sa vie, puis une autre, et toutes les vies, c'est que la vie est généreuse, à la pointe du soleil où il se tient, au bout de ses rêves, il ne pardonne pas, il harponne, pourquoi pardonner quand la vie est trahie, il ne se taira pas, le front appuyé au ciel, et les sculptures chantent dans la lumière qui roule sur elle même, comme une mémoire ramassée du monde, et les sculptures chantent là où il a décidé d'aller, à grandes enjambées de vie.

4
Où passe la vie ? Au moment de naître, avons-nous déjà franchi l'entier du vivant ? Passons-nous notre vie à revenir à notre naissance, mouvement incessant d'une porte ouverte, fermée et ouverte et fermée ? Espérance indécidable. Et à travers la porte battante, c'est un cri : Attends-moi ! Quand la vie se dresse sur notre passage, Attends-moi ! Quand pressés de solitude, le cœur vomit la vie, Attends-moi ! Quand gorgés d'amour, il n'y a que la fuite pour laver le cœur, Attends-moi ! Attends-moi ! Anonymes que nous sommes, masses d'ombre frottées les unes aux autres, Attends-moi !
Simple partie de vie. L'inconnue de l'équation existentielle n'a pas de solution. Où danser ? Où souffrir ? Comment rêver ? Quand rire ? Passantes d'une vie, comment vous regarder ? Où se réfugier ? A la terrasse du ciel, une fois le repas achevé, nous nous retrouvons à la bordure de nos désirs. De nos promenades, nous retenons les rires clairs, les lèvres chaudes, le piano versatile de Monk. Le moment du bonheur est dans le regard bleu du monde. Rien ne vient troubler la vie. Ceci n'a pas de valeur démonstrative. Nulle théorie de l'être. Suffit-il de respirer ? Qui détient la preuve et quelle preuve ? Où trouver le ventre habitable ? Ai-je tenu, une fois au moins, la porte ? Quelqu'un est-il passé ? Quelqu'un est-il passé à ma place ? Y avait-il seulement une place à occuper ? Attends-moi ! Attends-moi !  Attends-moi et oublie-moi car le bonheur est à ce prix. Le temps passe enfin. Trop vite à notre goût. A peine avons-nous le temps d'éprouver notre mémoire, cette patience à reconstruire les choses, les entrevues, les heurts, l'expérience. Apprentis du temps que nous sommes, insatisfaits du premier plaisir, quémandeurs d'éternel, pourvoyeurs de désirs inachevés. Le monde aura toujours trop de richesses, trop de secrets, de vains labyrinthes jamais traversés.
Attends-moi, la Vie ! Place pour nous deux et quand nous aurons épuisé tous les plaisirs des amants, place ! Place encore pour nous deux ! Place, toute la place car la porte est en nous, battante, légère, insupportable, fervente pour l'esprit. Place, toute la place pour la seule réalité acceptable, le seul souci possible : être ensemble. Attends-moi, la Vie ! Attends-moi !

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III - Rendez-vous

    Ne te hâte pas. Dis leur d'attendre la nuit, cette nuit sans lune sous les étais du ciel. Habitue les au silence, conspire avec eux, sois indiscutable, apprends leur le maniement des quolibets et de la dérision et ne te hâte pas. Ils grappilleront dans les vergers discontinus du temps, ils seront colosses, culbuteurs libertins, criminels pour tenter de te plaire, ils seront des amants d'exil, myrmidons parmi les étoiles, fonctionnaires de la nuit, cette nuit sans ombre sous les étais du ciel.

    Ne te hâte pas. Invente leur des ivresses in-soupçonnées, des rêveries inhumaines, désarticule tous les miracles, rends les patients de ta propre patience, sois le forain de leur irritation, désapprouve les parfois d'aimer le sperme frelaté, menace de les quitter, n'accepte jamais qu'ils mendient. Ils t'excluront, abandonnés eux-mêmes, ils affirmeront qu'ils te protègent, sois leur harpie, comble leur malice d'une plus grande légèreté jusqu'à les rendre jaloux de la foudre et des chimères, du temps qui passe, des offenses dont tu leur rends grâce, célèbre leur naissance, casse leurs berceaux, rends les vigilants, ils seront tentés par tes ébauches et les masques que tu laisseras. Ils en rêveront, malgré eux.

    Devine leurs pensées sans les faire parler. Ils se trahissent quand ils pensent te connaître. Sans grâce et torves sont les mots qu'ils prononcent. Evite les quelques temps. Ils te seront reconnaissant de les fuir. Donne leur à espérer plus qu'ils ne pourraient le faire. Le monde est à toi. Donne leur du temps. Menace de les délivrer. Raconte leur la délivrance, le calme, le sommeil mérité, le creux et le plein de la lumière dans le vide, là sur le lit de la mort.

    Evite les encore car leur piété est insupportable. Sois leur avocat, donne leur une place dans l'éternité même s'ils t'oublient. Les verres à vin sont les cœurs irrésolus du ciel, où les étais tiennent la lumière, rien que la lumière. Et si tu marches avec eux, ne te hâte pas.

(Tel-Aviv, 18-20 juillet 1997)

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IV - Table des étoiles pour Igael Tumarkin

Décision, cette nuit, d'arrêter la lumière, de la planter là, dans le cœur, d'en souffrir et d'en rire ;
décision, cette nuit, d'élever la nuit dans l'ombre de La Pitié, d'interdire la passion, se réveiller ;
décision, cette nuit, d'offrir le premier spectacle de la création, sans tabou, sans outrage, révulser le ciel ;
décision, cette nuit, d'interjeter pour les avocats récalcitrants, ceux qui tentent l'esprit, ceux qui le dévoilent en l'outrageant ;
décision, cette nuit, d'être la nuit ;
décision, cette nuit, d'organiser le monde, à la main du magicien d'Oz, l'enlever, le séquestrer une fois pour toutes ;
décision, cette nuit, de donner une leçon à Brecht, le frapper d'espoir ;
décision, cette nuit, d'aimer enfin Mozart, d'arrêter les horloges blanches des silences qui se succèdent ;
décision, cette nuit, d'écourter la saison des pluies et d'inventer d'autres jardins pour l'Alhambra, décision, décision...
Décision, cette nuit, de respirer encore, d'aimer toujours, décision de franchir le Rubicon, d'effacer la ligne verte, de subvertir Maginot et tous les murs souterrains et aériens ;
décision, cette nuit, de s'enfermer seul avec la pointe de l'aube, la caresser dans l'ivresse, la posséder parce qu'elle le demande, lui donner le reste de ma vie ;
décision, cette nuit, d'inventer le jour et la fin du jour ;
décision, cette nuit, de prendre la première décision que l'Histoire retiendra : aller, aller d'un bon pas, large comme le ciel ;
décision, cette nuit, de boire le vin aux racines des étoiles, décider d'en dresser la table où je serai au milieu d'elles, parce qu'elles le voulaient, parce que je l'ai voulu.

(Tel-Aviv, 20-27 juillet 1997)

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