Décision, cette nuit, d'arrêter la lumière, de la planter là, dans le cœur, d'en souffrir et d'en rire ;
décision, cette nuit, d'élever la nuit dans l'ombre de La Pitié, d'interdire la passion, se réveiller ;
décision, cette nuit, d'offrir le premier spectacle de la création, sans tabou, sans outrage, révulser le ciel ;
décision, cette nuit, d'interjeter pour les avocats récalcitrants, ceux qui tentent l'esprit, ceux qui le dévoilent en l'outrageant ;
décision, cette nuit, d'être la nuit ;
décision, cette nuit, d'organiser le monde, à la main du magicien d'Oz, l'enlever, le séquestrer une fois pour toutes ;
décision, cette nuit, de donner une leçon à Brecht, le frapper d'espoir ;
décision, cette nuit, d'aimer enfin Mozart, d'arrêter les horloges blanches des silences qui se succèdent ;
décision, cette nuit, d'écourter la saison des pluies et d'inventer d'autres jardins pour l'Alhambra, décision, décision...
Décision, cette nuit, de respirer encore, d'aimer toujours, décision de franchir le Rubicon, d'effacer la ligne verte, de subvertir Maginot et tous les murs souterrains et aériens ;
décision, cette nuit, de s'enfermer seul avec la pointe de l'aube, la caresser dans l'ivresse, la posséder parce qu'elle le demande, lui donner le reste de ma vie ;
décision, cette nuit, d'inventer le jour et la fin du jour ;
décision, cette nuit, de prendre la première décision que l'Histoire retiendra : aller, aller d'un bon pas, large comme le ciel ;
décision, cette nuit, de boire le vin aux racines des étoiles, décider d'en dresser la table où je serai au milieu d'elles, parce qu'elles le voulaient, parce que je l'ai voulu.
(Tel-Aviv, 20-27 juillet 1997)
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