Ce soir, il n'y a pas de différence entre la mer et le ciel. Tons gris blancs, gris perle, gris cendré, seule la mer a des bordures noires tout le long de la baie. Et il y a la lune. Elle passe à travers les nuages, elle passe derrière les nuages. Elle hésite à revenir. Sur la mer, encore quelques bateaux, comme égarés. Les nuages, sombres à la base, de bas en haut deviennent plus clairs, plus transparents. Un coin de lune sert de néon, blanc crème voilé sur le gris du ciel, un gris légèrement rose qui passe au bleu, un ton plus sombre, plus dense. Le ciel n'a pas de solution à sa pesanteur, il est sa pesanteur, la mer le répercute, le fait osciller, lui donne des tremblements. Ou alors c'est la mer qui tremble seule, oscillante elle-même sur ses reflets noirs et le ciel qui tente de la répercuter. Ils ne font qu'un progressivement puisque la lumière s'amenuise et la lune prend plus de clarté, plus d'assurance sur le fond bleu-gris sombre du ciel, mais elle n'a pas encore de reflet sur l'eau. Ce reflet va venir en douceur, au fur et à mesure que la nuit s'installe. La nuit se libère du jour. La lune est maintenant parfaitement ronde, luninescente, installée à demeure et un long reflet courant et fragile nait et traverse la baie de part en part. Les rêves viennent lentement comme la nuit, les rêves passent du jour à l'ombre comme le ciel, de la lumière au noir comme la mer. La mer devient plus sombre, plus lente, le ciel remonte plus transparent mais une transparence qui va du sombre au clair, un clair bleu argent, puis bleu sombre, puis bleu-noir. Il n'y aura bientôt plus de différence entre la bas et le haut du ciel et la mer le rejoindra dans l'ombre qu'ils retiennent en eux. La nuit sera libre d'aller. Libre d'aller autour de la lune qui la rend plus dense et irisée jusque dans ses profondeurs les plus lointaines. La nuit qui donne les rêves.