18 - A venir les boulevards inondés de dépouilles ;
à venir les mensonges de la lumière dans la chaleur élevée du matin ;
à venir le ruissellement de l’eau autour des puits embrasés de fièvre qui s’élèvent vers le ciel ;
à venir l’orage qui roule dans l’orage et casse comme le verre jeté sur le sol ;
à venir l’ivrognerie à grandes enjambées sur les morts ;
à venir l’entreprise de démolition du rêve et de ses suites et de ses cœurs instables ;
à venir le battement d’une aile d’un oiseau qui s’engouffre dans le vide car entre le ciel et la terre il n’y a plus d’île ;
à venir la porte battante d’un milieu d’après-midi, sans après, sans souffle pour soulever la terre, donnant sur un éclat de sang ;
à venir les secrets ; à venir l’obscurité semblable au simulacre ;
à venir les prétextes, les malaises, le délabrement de l’oubli ;
à venir les mains détachées des corps, magnificence douloureuse et fanatique ;
à venir les défauts, les illusions, les transes, les yeux pétrifiés, les envoûtements, la haine ;
à venir la haine et la convoitise, la pitié, la comédie du genre humain ;
à venir le premier né mort-né de ces apitoiements ;
à venir le paradis primitif, inversé, pays sans providence ;
à venir les nébuleuses souterraines fusant comme un éblouissement, la frénésie des combattants aveugles dans les tranchées utérines de leur terre ;
à venir la solution de continuité entre l’instinct et la mort, la sauvagerie illuminée, l’idolâtrie, la passion répugnante de l’adoration ;
à venir la solitude introuvable, le demi-jour des mystères aux innombrables traces, équivoque de la pudeur, fantômes inquiets, désirants, faméliques, humiliés dans leur bonheur de retour ;
à venir l’illusion méthodique et rationnelle ;
à venir le rébus indéchiffrable qui réduira au silence sans compassion ;
à venir l’introuvable clandestinité, désir mis en échec, acculé à la reddition dans la poussière montante d’une pointe de jour.
Le dénouement sera long, toujours attendu, comme en enfer ;
à venir l’enfer.
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