19 - Dans ce voyage, un seul horizon bas et des lignes noires, des lignes de ciel pur et froid en soi, tout un inventaire de bruits, du pointillisme des merles aux coups saccadés et sourds d’une ville assoiffante, du fond d’elle-même comme un tambour qui monte ; et derrière le mur, au-delà de la porte, des arbres en perdition, des marteaux tombés du ciel qui frappent l’air et l’enflamment ; parfois une absence, de celles qui nous basculent vers le silence, jamais vraiment atteint ; des rampes de fumée et de poussière installées qui se répondent instantanément, des regards bouillants, des haltes fréquentes pour apaiser la soif ou la faim ou le souffle, gagner sur l’obstacle, achever l’histoire, des murs dans les prolongements d’autres murs, une idée fixe répandue sur le sol d’où monte la poussière – jamais la lumière n’est franche dans ce halo noir – où les murs sont encore droits, plus hauts ; des réceptacles pour s’endormir, dormir plus qu’il ne faut pour attendre la grande intervention du soir, dans ces abris meurtris de l’homme, mais il n’y a plus d’abri ; de l’espace autour de soi, délavé jusqu’au blanc du ciel, des aigreurs en soi parce que l’horloge tourne à vide dans les vides entrelacés des heures attendues ; des agencement hétéroclites de bâches et d’étais, de poutres et d’étals ; des corridors d’ombre, des rêves jamais entiers, jamais finis ; si peu d’étoiles et si peu de vent ; des hommes constamment en marche et à la tâche, des regards déjà vides, des mains automatiques, des automatismes de faufilade, un fil, un seul, jusqu’à la mort, si court tenu ; et la rue est interminable où la lumière tombe en droit-fil du ciel.
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