Figure out, suites américaines (2008-2013) achève le cycle des Figures qui, avec Figures de la disparition (1975-2006) et Figures des sentiments (1998-2012), a constitué une grande part de mon travail d'écrivain jusqu'à aujourd'hui.
Nécessairement ces trois cycles se joignent, se chevauchent et s'interpénètrent tant l'écriture dévoile, au long des années, les rapprochements et les redites, les perspectives communes et leurs points d'appui, mais aussi les écarts et les pas de côté qui permettent d'en expliquer les partis pris.
Ces trois cycles sur près de quarante ans n'ont pas contredit ce que j'éprouvais alors de l'écriture : Nous vivons de paroles suspendues, forcément inachevées, à contrecoeur et de mots débordants, pourvoyeurs hâtifs d'instants mal ordonnés (Voisins des arpents, 1975).
Je comprends maintenant que je n'avais pas d'autre choix que de m'aventurer dans une expression scripturale qui reniait la narration et le roman ou mettrait à l'écart la poésie tant la pensée procède de saut en saut, arrimée à ce qui l'exaspère et la déroute.
Comment éprouver l'impatience de la pensée à devenir un texte ? (Roman, 2000). Je réponds : en suivant ses linéaments opalins où réalité et fiction ne s'opposent pas et dessinent des suites qui, abruptement, en agrègent les lignes de fuite.
J'ai trouvé mon rythme (mon salut en quelque sorte et, ce faisant, assouvi une fièvre d'écrire) dans le jointoiement des mots. J'ai basculé du côté des architectes, des charpentiers et des maçons qui assemblent des espaces qui pourraient demeurer vides ou silencieux parce qu'ils n'ont pas trouvé
la mitoyenneté nécessaire à leur déploiement ou à leur dépaysement.
Et les balises que j'ai placées comme autant de pièges d'un feu revenant ont donné le rythme des mes déplacements dans la matière du texte, d'une destination à l'autre, qui n'étaient que les objets d'une convoitise qui m'échappait quand j'écrivais, qui me fuit encore, mais que je sais être cette
pensée qui me guide.
Karachi, 21 décembre 2014
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