I - Minute suivant minute, le mouvement du monde déborde son propre mouvement, ni altéré, ni partagé, lancé entier au front des murs, des arbres et des saillies du ciel, bercé du feu qui le traverse.
II – La traversée du chenal, ce n'est pas la mer mais un dévers où on glisse de la poussière à la lumière. A l'autre bout, les mangroves limitent le monde visible. La ville est à des années-lumière, toute étalée sur l'autre rive, toute arpentée d'immeubles en demi-teinte. Vision à 180° d'un ciel bordé d'un vide rassurant.
III – On arrive à Empress Market par un trafic incessant, traversé de part en part de grappes de fils fusant des façades déglinguées. La foule est équilibriste passant de l'ombre à la lumière à coups de flash klaxonnant et vitupérant. On entre par le grand porche, on se salue avec les marchands, en pays de connaissance. On finit par s'asseoir et on souffle un peu.
IV - Tout à coup la lumière vire au limpide et à l'éclatant. Le ciel s'élève. Les arbres redeviennent arbres. Chaque feuille se détache de son ombre, passe devant, l'une sur l'autre, vrille d'eau claire, éclate d'étincelles revenues. Même le bruit de fond tombe d'un cran, s'efface. On entend le ciel respirer à grandes enjambées bleues.