En aparté quatre feuilles blanches sur le bord de la table
En aparté qui n’ont pas encore servi
En aparté nous échangeons nos alliances, déclarons caduques les temporalités éphémères, les événements derrière soi
En aparté la question des dissonances où les réverbérations s’entrelacent en vrilles déséquilibrées et qui fusent vers le haut
En aparté un orage s’effondre enfin qui venait du tréfonds, de l’intime parcelle de vérité qui restait, "inabdiquante"
En aparté le théâtre du monde n’a pas plus de valeur que l’angle mort dans lequel il se joue, une portion de la réalité proche de zéro
En aparté nous sommes dissonants, relatifs et inachevés
En aparté dans les tombeaux du monde vivant
En aparté cette vie qui nous installe à l’à-pic des fontaines et des orangers, à porté de main et que nous ne toucherons pas
En aparté de ce que tu penses en aparté, mais les secrets n’ont pas d’importance, tous décidés à brûle-pourpoint de l’urgence
En aparté justement il n’y a pas d’urgence, pas de volatilité, pas de partition qui donnerait la voie, la voix, le choix et le moment de la fin
En aparté il en va de l’organisation comme de la méthode, des sentiments comme de la pensée, s’inquiéter d’une parole qui ne vient pas et qui reste inaboutie dans les silences qui l’encombrent et qu’elle écarte
En aparté les journées se ressemblent et se désassemblent, c’est la question du jointoiement, des lames de parquet qui se séparent ou se chevauchent, se poussent, s’affaissent sur les bords des mots qui ne sont pas là et qui seraient utiles, de la pensée qui désagrège ses jointures ou qui en rajoute, qui devient plâtreuse
En aparté badigeonner
En aparté si les branches étaient mortes ?
En aparté dans les greniers délabrés de la mémoire
En aparté "Et à la cave !"
En aparté quand le silence succède au silence, du grenier à la cave de la mémoire, brindille sur brindille, poussière sur poussière, de dépôt en dépôt, masse de sensations dépareillées et dispersées, masse volubile et aérienne du silence qui retombe en poudreuse auréolée du soir, qui retombe et ne s’effacera pas, prudente jusqu’au prochain désordre, prudente pour garder sa logique de dispersion
En aparté on dit qu’il a des problèmes de mémoire
En aparté le trône de Salomon est installé sur un volcan endormi
En aparté la vérité est nostalgique, n’apporte qu’un vague ressentiment d’abandon, on ne peut même pas la taxer de lucidité, d’être cette pointe acide qui scille la pensée, elle est loin des banderilles du toréador
En aparté la voix résonne, la voie raisonne, tout dépend de l’angle de la perspective qui en décide, plus ouvert ou plus fermé, laissant fuser de manières différentes la lumière, brisée ou jaillissante, restreinte ou étendue, lovée ou libre
En aparté la partition n’est pas une redite mais un prolongement
En aparté votre temps de parole est terminé
En aparté il faudra être prudent, suivre la ligne fine de l’écriture, du déroulé hésitant de la plume sur le papier
En aparté des instants oubliés
En aparté ramasser ce qui a été, qui affleure encore, qui n’est pas resté totalement invisible
En aparté la plume dorée joue sa partition et, petit à petit, des lignes dessinent la perspective du texte, perspective matérielle qui entre dans une nouvelle dimension, celle des moments repoussés qui jaillissent, s’érigent abruptement en miroir
En aparté de ce qui reste à vivre
En aparté il n’y a pas d’apparition insurmontable
En aparté il n’y a que des points de vue irréductibles qui, mélangeant les visions, constituent cette actualité de l’écriture en marche
En aparté de la partition, il y a la grande fresque du silence
En aparté les mots cherchent le silence
En aparté rendre visible la ligne chaotique de la pensée qui s’effile dans toutes les directions qu’elle tente d’explorer et qui agrège toutes les perspectives qui s’enlacent en elle
En aparté ne sois pas plus prudent qu’il ne faut. Que veut dire "être prudent" ? Y-a-t-il quelque chose à mettre à l’abri, à sauvegarder ? Y-a-t-il des secrets qui méritent la prudence ?
En aparté des dangers dans les pointillés successifs de la pensée
En aparté dans les cathédrales souterraines du monde vivant
En aparté une situation complètement endogène
En aparté je me tiens par le bout des branches, l’arbre ne tombe pas de si haut mais sa vue est vertigineuse, invraisemblable, elle le relève de sa poussière
En aparté l’ordre est invisible qui submerge le désordre
En aparté la grande révolution viennoise. Il y eut des princes chanteurs qui ont été abattus, le mien est affublé d’un grand chagrin d’amour, d’une toque en astrakan et d’un petit défaut de langue. Mais cette révolution n’est pas un leurre. Elle fomente encore des coups bas après l’introduction du Lac des cygnes ou de Casse-Noisette ou de Werther encore
En aparté ne pas rire pour dénigrer
En aparté sur la route de L’Aigle. L’histoire passe là, avec ses honoraires. Elle compte les pertes, retire ce qui pourrait être considéré comme des silences, les sous-voix, les trous dans la parole, jusqu’à exhumer le lettrage déjà fondu de la neige qui parle, les mendiants aphones du verbe
En aparté reproduire le carré du silence en soi, le silencieux carré d’une voix qui s’effile
En aparté le long des lignes qui sursautent, des lignes de front de l’état de guerre, des lignes abandonnées et vidées de leurs hommes et de leurs armes, des lignes d’une mémoire de trop toute emmaillotée de ses synapses dégoulinants et secs, où les morts débordent, où l’aparté n’est plus possible, où l’aparté n’est plus pensé ni pensable, éteint
A priori la résultante croisée d’un mur et d’un silence est encore un silence
En aparté la réalité tombe à zéro
A l’arraché de toutes prévisions.
ET SI TU PROVISIONNES UNE SOMME INSUFFISANTE POUR T’ÉGARER, QUE SE PASSE-T-IL ?