Nous n’accordons pas assez d’importance aux mots, leur ordre apparent est l’apparence du sens. Il en faut plus pour les débusquer et leur rendre la grâce éreintée et désordonnée mais nécessaire du sens qu’ils manifestent en les rapprochant, en les heurtant, en les frottant les uns aux autres.
L’écriture magnifie les mouvements contraires et le mensonge est encore la vérité, et l’asphyxie une respiration.
L’émotion vient du côtoiement. Et côtoyer revient à trembler. Les mots tremblent dans la tête, vibrent et vibrillent dans une profusion d’émotions soudaines. Ecrire c’est éclater le vide sidérant.
J’écoute le concerto pour piano n°1 de Shostakovich. Je suis subjugué par les mots bousculés d’une silence à l’autre, dans le reste de vide qui les séparent mais dont ils comblent très vite la matière morte. Le silence est à ce prix de détourer les mots de ce qui les encombre ou de ce qui leur manque pour se transfigurer.