Monument Valley est un souvenir d’enfance, un voyage, une relation particulière au pop art, l'attachement à un film de Wim Wenders, une tentative littéralement littéraire.
Je n’ai jamais peint, tout au plus quelques dessins à l’encre de chine il y a très longtemps, l’attrait pour les trames d’architecte, le recours au rOtring et à la règle, le sur-lignement et l’espace blanc, très peu de bleu à cette époque, surtout du rouge, du gris, du noir, de bons ciseaux et de la colle, quelques collages à partir d’images de bandes dessinées, du papier journal et l’utilisation du trichloréthylène à la recherche de superpositions et de transparences, surtout des visages sur des pages manuscrites. Autant dire rien qui me destine à une activité picturale.
Cette enfance fut un patchwork, une suite d’instants et de sensations, sur le coup et, a posteriori, toujours reconstruite.
J’ai juste un souci d’équilibre et de composition.
J’avance sans théorie seulement par coups de coeur et parce que j’ai besoin de voir des tableaux, accrochés au mur, dans les livres, sur la toile, je ne me lasse pas d’engranger des images (bien sûr ce ne sont pas que des images !). Est-ce la peinture qui m’attire ou plutôt la composition avec son étourdissement émotionnel qui s’y cache, que je ressens, qui m'avale ?
Dans Monument Valley, je compose.
Chaque élément des compositions me rattache à une vision et au moment particulier de cette vision. Je compose des tableaux comme j’écris les suites de mes livres : en les détourant, en les retournant et en les recomposant jusqu’à trouver la correspondance entre ma pensée et le “tableau”.
Où il est question d’un voyage.
Ce voyage, c’est justement à Monument Valley où je rapproche l’espace pictural du pop art des grands espaces américains, où les intentions graphiques des peintres américains des années 50-70 intègrent cet espace naturel qui hésite parfois et s'élève pourtant entre terre et ciel. D’où aussi cet attachement aux perspectives, qu’elles soient ouvertes ou intimes, toujours majestueuses, qu’une composition, scripturale ou picturale, me permet de tracer.
Je ne fais pas de différence entre une suite et un tableau.
Réel et fiction s’entrelacent, réalité des sentiments et espace fictionnel qui permettent leur exploration. Les partitions se suivent qui ré-agencent les émotions. Quant à la fascination, l'oreille a la musique. L'œil a la peinture. La mort a le passé. L'amour a le corps nu de l'autre. La littérature la langue individuelle réduite au silence, écrit Pascal Quignard. L’essentiel est de recommencer. Les compositions de Monument Valley portent la marque de ce silence qui vitupère. On n’a jamais fini d’écrire, ni de composer.
I knew these people... dit Travis.
Paris, Texas me semble être le seul hommage cinématographique rendu au pop art. Cette ambition de recommencer, de recoller les morceaux, de ré-agréer le passé à l’avenir, de jointoyer ce qui restait séparé, tout y est. J’emprunte ce chemin chaque fois que j’écris ou que je compose. Il s’agit de ne pas laisser l'occasion ou la chance de se retrouver et de poursuivre une conversation qui semblait rompue.
Karachi, 25-29 juin 2014
Monument Valley - Saison 2, 3 & 4 / 2013-2017, Les triptyques (HC, 2022)
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et aussi :
Monument Valley - Saison 12, Ce que j'en sais (HC, 2018-2022)
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Monument Valley - Saison 11, La charge de la preuve (HC, 2022)
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Monument Valley - Saison 10, Mouvement de bascule (2021)
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Monument Valley - Saison 9, Objets mouvants (2020)
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Monument Valley - Saison 5, 6, 7 & 8 (2019)
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