Dans cette attente du dernier départ, il y aura la route et le sentiment de la route. Sur cette terre, il y encore la terre, cette première terre entrevue, inassouvie. Depuis, il souffre sur la terre, il demande des témoignages et accumule les preuves de son errance.
Dans cette attente de la dernière rencontre, soudain il a conscience de surprendre un geste, d’être ce témoin inespéré. Il n’y a que l’ombre. La vie coule, portée droite sur les parois vides. Ils ne sont déjà plus là, ou il ne les voit plus, ou ils ont été absorbés par le ciel et la lumière du ciel.
Dans cette attente du dernier jour, sous les étais verticaux et les superpositions d’aplombs noirs et gris, il a noté en bas de page, l’effacement de leur parole. Trop loin pour les entendre. Revenant sur ses pas, l’ombre du mur était vide.
Dans cette attente du dernier rêve, mais le rêve n’était pas sa dernière chance, il revint sur ses pas, retrouvant sa place dans le flot qui l’entourait, tentant de saisir ces ombres furtives, mais arrêtées, comme pour finir une histoire, en trouver enfin les raisons et les places. Il s’installa dans le tourbillon du vide, à la rencontre de cette réserve qu’il décela dans leur posture immobile. Qui était immobile ? Qui passait ?
Dans cette attente d’un dernier voyage, il attendit de les revoir. Que disaient-ils ? La coursive était maintenant déserte. Il ferma les yeux, les crut plus proches. Se séparaient-ils ? Il surprit cet instant où le silence est un adieu.
Dans cette attente d’un dernier signe, au seuil de la disparition, au début de la dernière histoire, parce que la suite est décidément cachée, même s’il arpente à pas lents, pour se faire une idée, ce qui ressemble à des terrasses dressées contre des pans de lumière, il savait qu’il les perdrait. C’était elle, c’était lui.
Dans cette attente de la dernière révélation, il souhaita les croiser, peut-être pour les reconnaître. Il se déplaça encore et l’ombre portée de leur ombre s’est évanouie. Voilà la désillusion ou le regret : ce qu’il espérait d’eux n’est qu’une trace sur le rebord abrupte d’un passage entre deux mondes. Il se résigna à rebrousser chemin.
Dans cette attente de la dernière fois, sur cette terre, il y a encore la terre. Depuis il les perd à chaque fois qu’il tente, en s’écartant latéralement des chemins habituels, de les voir derrière leur ombre, mais c ‘est seulement une ombre toujours projetée sur l’ombre dans l’explosion verticale des vides sur le plein, où ils étaient, à cette distance de deux êtres qui ont tout dit, qui ne se retourneront pas, qu’il ne verra plus.
Août 2001