Qui dira la méthode ? Comment s’invente la méthode ? La méthode est proche de la partition et de ses répétitions, boucles, détours et re-bouclages.
On fixe la méthode dans le mouvement. Je ne réfléchis pas mieux que quand je me déplace.
J’échafaude en roulant .
La méthode est complexe, déroutante tant elle fait partie de l’écriture et sans écriture pas de méthode. Elle est inextricable et invérifiable.
Elle permet de démembrer et de re-construire. Elle est intrinsèquement liée à l’épreuve du jointoiement des mots. Elle est le vide qui construit.
Elle est l’échafaudage qui s’élève dans la cathédrale ou qui s’enfonce dans la fosse. Elle est faite d’étais et d’arc-boutants, d’élancements et de désertions.
Sans méthode, pas de surprise, pas d’étonnement, pas de plaisir, pas de saut, ni sursaut, ni tout ce qui fait le désir. Elle est sous-jacente.
Elle est commune aux architectes, maçons et charpentiers. On la partage parce qu’on se ressemble pour les ventaux des portes dérobées que nous ouvrons ou inventons.
Elle compose et re-compose, dit les renvois et les références, ajuste la mécanique des machineries cachées, s’égare parfois en notes de bas de page.
Elle est une écriture en soi tressant les fils des perspectives où s’ajustent les mots, où les mots ensemble finissent par dire.
Elle guide l’ordre des juxtapositions et des impositions. Elles provoquent les arrangements indécidables et posent dans l’écriture les singularités du discours.
Le voyage est la méthode qui place la vision avant les mots et non après, qui ne raconte pas les images et les ré-installe dans le fond caché du texte.
La méthode connaît les lieux, les liens, les linéaments, les origines comme les aboutissements et les choix de ce qui converse, échange et dispute. Elle n’automatise pas.
La méthode grappille dans les vides qui resteraient entre les mots les petits liens inaperçus, les renforce sans les mettre en avant, assurant solidité et demeurance.
Elle débusque les leurres de l’écriture étant un leurre dématérialisé, qui ne s’écrit pas, qui laisse écrire, qui ne dit pas, qui laisse ou ne laisse pas dire.
La méthode est toujours relative à un territoire, à une géographie pulsionnelle des mots. Elle marque les limites du texte même si elle n’est pas exhaustive dans ses recensions (lire l’avant-propos de Au(x) Demeurant(s) dans Figure Out).
Elle est l’errance des agencements et des ré-agencements et décloisonne les mots de leur proximité commune (lire l’avant-propos de Figures des sentiments).
La méthode est de se convertir à des tâches simples, non déroutantes : explorer, classer, aligner, ranger, vérifier, raturer, expurger, départager, arbitrer…
On pourrait confondre méthode et pensée. La méthode est en-deçà, souterraine en état de veille constante, elle est le substrat du nomadisme de la pensée.
La méthode n’est jamais à bout des mots contrairement à la pensée qui peut s’étioler ou se dépraver. Mais la méthode n’empêche rien.
Et si parfois il semblerait qu’il n’y ait pas de méthode, la méthode est là, dressant ses lignes d’hameçonnage.
In Les dissonances, Livre 1 Entre-deux, 2019 (TheBookEdition)
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