Le Journal de Gottfried Mauser a d'abord été publié en quatre épisodes dans le journal Le Temps des 16, 19, 25 décembre 1915 et du 1er janvier 1916. La version du livre, plus longue et définitive, a été éditée aux éditions Ollendorff en juin 1916.
Les Contes de guerre pour Jean-Pierre paraissent, à la Librairie Berger-Levrault le 20 avril 1918. Ces deux publications encadrent pratiquement la durée de la Grande Guerre et forment une contribution significative d’Emile Moselly à l’effort de guerre et à la narration de son histoire.
Le journal de Gottfried Mauser (1915) et les Contes de Guerre pour Jean-Pierre (1918) ne sont pas ses seuls écrits "de guerre" ou sur la guerre. E. Moselly publiera plusieurs nouvelles entre 1915 et 1918 : Canons de Lorraine (La Revue Bleue, 1915), Simple aveu (Le temps, 1915), Le crime de l'Allemagne (La Revue Bleue, 1917), Nausicaa (La revue des Deux Mondes, 1919), Prières pour nos morts (Revue France, 1918) et Bautru, soldat (La France Nouvelle, 1918). Toutes ces nouvelles sont précédées de Dernier séjour en Lorraine datant de 1914 (publié par le Pays Lorrain, à titre posthume, en 1931) (1) comme si E. Moselly renonçait à écrire sur sa terre natale et ses habitants, sur ce coin de Lorraine animé des vibrations des feuillages, des lumières et des parfums tout au long des boucles de la Moselle qu’il aime observer et raconter. Tous ses écrits à partir de 1914 traduisent son grand désarroi face à la guerre qui se concrétise alors.
Avec Le Journal de Gottfried Mauser, il nous fait entrer dans le quotidien d'un allemand, professeur de musique raffiné, pétri de culture romantique et animé de valeurs supérieures, enrôlé pour combattre dans les rangs de l’armée du Kronprinz et qui se révèle, au fur et à mesure de l’avancée des troupes allemandes à travers la Belgique jusqu'à l'arrivée en France, un acteur impitoyable des plus monstrueuses atrocités commises alors. E. Moselly ne décrit pas des faits de guerre, il raconte la barbarie qui se déchaine contre les civils. L’abondance des détails et le réalisme des situations décrites forment une dénonciation véhémente des crimes de guerre. C’est ce qui donne toute sa valeur à cette contribution. J. Ernest-Charles dira : "M. Emile Moselly a voulu écrire le roman de la férocité allemande ; mais ce roman, c'est, à très peu de choses près, de l'histoire." (2).
Plus doux, moins combatif mais non moins définitif, Contes de guerre pour Jean-Pierre prend la forme d’un testament adressé à son dernier fils, Jean-Pierre, né en 1913. Dans ces contes, E. Moselly endosse son rôle de professeur, et adresse aux enfants et aux adolescents, à travers son garçon, une leçon pour ne pas oublier l’horreur de cette guerre (3). Si, comme il l'écrit, Le Journal de Gottfried Mauser est "un livre de haine et de colère", les Contes de Guerre s'attachent "à composer quelques récits qui lui [Jean-Pierre] permettront de saisir dans cette atroce guerre des images appelées à durer dans son esprit." Il en appelle à la mémoire. Du "nous ne pardonnerons jamais", il passe au "nous n'oublierons jamais" et, tout en reprenant la parole de l'Antigone de Sophocle "Je suis née pour l'amour et non pour la haine", il souligne pourtant et encore que "pardonner à l'envahisseur, c'est trahir nos morts". Mais, ajoute-t-il, "il me semble que leurs mânes [celles des morts] sont apaisées, qu'ils ressentent une consolation légère, dans la terre sanglante où ils reposent, chaque fois qu'une voix d'enfant prononce le serment solennel de n'oublier jamais." La question du pardon est fondamentale pour E. Moselly. Il la résout par un nécessaire devoir de mémoire.
Comme un testament encore, E. Moselly, dans la dernière nouvelle des Contes de Guerre, convie son fils à un pèlerinage à travers la Lorraine et l'Alsace bientôt libérées de l'envahisseur. A cette occasion, il retrouve le lyrisme impressionniste de ses écrits lorrains, clôturant, par une marche qui va du cimetière de son village où repose son père aux contreforts vosgiens de l'Alsace, en passant par Metz - "nulle ville n'a davantage [qu'elle] le caractère lorrain" - et Phalsbourg - cette "autre petite ville, pareille à notre Toul, comme elle entourée d'une ceinture de murailles à la Vauban, comme elle repliée et silencieuse" -, le cycle de ses écrits de guerre par une vision apaisée de sa terre natale.
Ainsi, son extrême sensibilité, jusque là au service d’une prose foisonnante de nuances délicates et de tableaux impressionnistes s’est muée, dans le contexte de cette guerre, en caisse de résonance assourdissante de la barbarie des hommes.
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1 Toutes ces nouvelles ont été publiées dans Nouvelles, portraits et croquis Vol. 2, (TheBookEdition, 2023)
2 Excelsior - Journal Illustré Quotidien du 8 juillet 1916
3 Comme il le fera dans le texte Prière pour nos morts publié dans la Revue France du 25 mai 1918 - Cf Nouvelles, portraits et croquis Vol. 2, p.291 (TheBookEdition, 2023)
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