Le bâti n’a pas véritablement de forme, juste posé au bord de la route, dans l’aboutissement de la ligne qu’elle forme, plus haut, avec la lisière d’une forêt qui, à cet endroit, fait écran avec le ciel. Une palissade, devant, prolonge la perspective, sorte de coffrage à l’ossature incertaine en équilibre sur le bas-côté. Aux abords de la frontière, le paysage devient neutre. Il est aussi un commencement à tout. Dans un plan intermédiaire (à mi-parcours entre la route et la lisière), une procession de lignes, plus ou moins floues, mouvantes, de droite à gauche, d’avant en arrière, forme une large nervure vivante, agitée de plis successifs qui meurent sur eux-mêmes, recommencent, refluent, troués par instant de saillies lumineuses, d’un vif orange ou blondes, virant au mauve et au gris, qui s’embrasent sous quelques coups de vent. Au centre parallèle de cet espace, un double barbelé noir sépare le monde en deux - devant, après ; ici, plus loin -, mais, par endroit, disparaît derrière les hautes herbes. Il marque la frontière, dit-on, depuis l’origine. On oublia qui le posa, il fut conservé en souvenir. Il est narquois, sensible et querelleur, visible et invisible à la fois, en garde-fou du seuil du monde.