Il faut approcher les frontières pour les connaître, sentir sur leur parcours ce poids du ciel mais une pesanteur vide, découvrir les différences des paysages qu'elles séparent, mais elles sont aussi le paysage, infiniment courbes ou brisées, en négatif dans la terre qu'elles lacèrent, en creux.
Une frontière est un creux, un vide sur le plein, une soudaine absence, une rupture de la couleur et des matières, un vide surgissant. Un silence.
Alors aux confins de soi, la pensée se dissocie, scindée par ces creux, se désassemble dans de pitoyables mouvements et s'effondre. Elle ne peut plus nommer, devient inaccessible à elle-même, où les frontières la rendent étrangère et inoccupée. La pensée absente, prisonnière de ses limites.
De ces voyages, les retours sont sans bagages. Seulement la prudence à l'égard de ces lointains, de ces rencontres, comme des manquements à la parole dans les mots qui manquent.
Jusqu'à l'abandon du sommeil. Chaque mur est une mort en soi.