Les frontières s'écrivent en bleu et noir sur un ciel simple, découvert, parfois blanc, un ciel intact dans toutes ses dimensions, accroché à des lanternes toujours allumées qui lui opposent des halos plus pâles qui rehaussent ses teintes, surtout le soir à l'approche des nuits pleines quand les dégradés d'or, de noir et de gris estompent tout mouvement alentour.
A proximité des hommes passent ou attendent qui échangent quelques mots, un signe, une reconnaissance d'un geste rapide et franc. Ce sont les fantômes des matins clairs et froids. Devant eux, des grilles et des protections, des veilleuses et des tourelles, des entrées et des sorties, des interdits, des couloirs de herses rouillées qui noircissent sous la pluie, quelques abris vides, des voies interrompues et des claustras où ils s'appuient pour respirer plus lentement sous le premier soleil. Ils négligent parfois de flâner.
A chacun sa frontière et, à portée de voix, la même ronde nocturne où des spectres observent leurs ombres. Le ciel est simple qui les protège, qui plonge dans l'orange laiteux de ce qui serait le début du monde, sa séparation aussi, son effondrement et son terme. Les frontières se nourrissent de ciel rayonnant en procession, d'éphémères espaces abruptement brisés aux lucarnes des bunkers, d'extase primordiale entr'aperçue dans les saillies en terre ennemie. Les déambulatoires n'offrent d'échappée que vers le haut.