Chère N...
Il y a dans le mouvement du monde une blessure que porte le silence à exaspération. Nous avons détourné les yeux. Nous ne voyons plus cette blessure. La lumière est trop crue et le silence toujours indemne.
Et cette blessure monte en nous, intelligente, sans manquement à sa destination, sans détour pour progresser, avec cette main solide qui nous tient, sans défaut pour ce qu’elle accomplit, voilà une mise en scène parfaite.
Quand la réalité miroite au point de sa rupture, nous succombons à ses méthodes, cette minutie à ordonner notre vision et le désir de cette vision, décision de vivre inséparé d’elle-même malgré les heurts, la foudre et l’illusion.
Et dans l’entre-deux illuminé qui s’insinue en nous, plein au lieu de vide comme nous le pensions, plein des inventions de notre regard diverti de frissons inavouables, plein des murmures d’une nuit habitée, la vie reprend ses droits.
Rien que la vie, même assaillie, la vie dans un pas de danse, la vie dans un bond et ce pas sera suffisant pour atteindre le milieu du monde, simple et suffisante décision d’en fixer l’origine, la grâce et l’horizon.