Le droit-fil

Tout calme est une plainte, une fin, une joie. René Char

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Une maison aiguisée

Ce besoin d’aller, dépasser le pont et l’oublier une fois franchi, douter de son passage au moment d'en raconter l'histoire.

Il n'y a qu'invention dans les détours d’un souvenir, image recollée de ce que j’ai pu être, ma vie, ce que je pense, ce qui venait à l’esprit, nature malléable, imperceptiblement défaite.

Ecrire crée la mémoire, voile sur voile. Toutes ces heures passées à détruire l'espérance.

J’ai la patience des enfants sages et silencieux, je romps sans bruit. J’ai disparu dans ma mémoire, je vais sans la chercher, sans la vouloir, me contentant de la penser inachevée, imparfaite, seulement assemblée.

Je passe des heures à oublier, franchissant un pont dans la direction de mes souvenirs effacés, plis des feuilles lentement rangées au milieu d’un livre. Je me surprends à les retrouver, intactes, plus lisses, moins vulnérables mais indéchiffrables. Qu’ai-je dit, qu’ai-je écrit alors que j’oubliais ? Qui ai-je pu inviter sinon mon propre oubli ?

Ces heures sont les plus douces, la lenteur que j’y mets est terrible. Au bout du pont, je n’ai plus rien derrière moi et pour avancer, je feins les moments passés qui auraient pu me porter. Au fond de ma mémoire, j’avance à la poursuite de mes jours où disparaissent mes images d’enfant.

L’écriture est saccades, coups de boutoir, coups de tête aux jours achevés. Elle étale une vie d’où je contemple l’avenir de mes jours passés. Autant de feuilles détachées d’un cahier comme un bouquet d’artifices où le mot à mot de mes jours écrits permet de croire à leur réalité. Ai-je encore une maison à vider ? Une maison à emplir ?

Il faut croire pour écrire avec cette croyance sans objet où tout est possible. Tout posséder sans jamais posséder.

Un seul instant, court instant, où j’ai peur de trahir cette vie inventée, ma seule vie, ces heures imaginaires après l’oubli, après la vie. J’ai des images à déchirer, d’autres à recoller, l’une après l’autre, l’une contre l’autre pour retrouver mon silence d’enfant, ces jours déjà comptés d’une autre vie, paysage dressé pour l’occasion, images possédées, détruites, reconstruites dans les tournants du temps.

Je n’avais pas d’âge quand j’ai commencé à écrire, pas l’âge légal. Pour quel plaisir au juste ? Pour quelle raison de ne pas se donner ?

Ai-je assez détruit pour pouvoir naître ? Sortir d’une vie pour en pénétrer une autre ? Suis-je assez sûr de mon ignorance ?

J’ai une mémoire à construire, un livre à écrire, parfaire mes raisons d’inventer. Le seul passé habitable est celui qui s’écrit.

Peine imperceptible des jours où j’ai tenté de vivre, cette tentation de feu, redoutée, jours inespérés des souvenirs. Assez loin, tout m’attend, des gestes à assurer chaque jour. Et, écrivant cela, qu’ai-je laissé derrière moi qui finira par me traquer aux heures prochaines de mes vies imaginées ?

Nous naissons maintenant de nos cris et de nos rires là où aucune habitude n’est possible. Je ne connais ni les subtilités ni les défaillances de ce pont que je passe. Seule la confiance me permet de le franchir. Il y a des jours de plein-vent. J’ai rapporté de mes passages assez de mots pour tenter d'écrire. Je ne possède pas encore les mots de celui que j’approche. Un grand regard suffira.

Les portes entrouvertes sont autant de feux possibles. Il faut avancer, ouvrir complètement les yeux, arracher à la nature ce qu’elle n’a jamais pu effacer ou trahir. J’ai des mains maladroites devant ces feux. La pensée est la porte battante de nos illusions. Et j’écrirai : j’ai aimé ce jour.

Un long couloir. Je m’adosse contre le mur, poings serrés dans les poches. Cœur tranquille, je suis un cœur tranquille. Je souhaitais être si loin. Là où j’allais. C’est déjà le passé.

J’ai pensé en toi mille façons d’aimer, mille façons d’aller. Je change et je ne change pas. Long couloir blanc, ombre dormante. Des murs météores sont mes réponses de franc-bord. Chacun nomme l’autre, chacun au même chemin de halage de la joie entière, ployée, déployée.

Je fuis et je reste dans cette maison aiguisée, confronté à mes instincts. Le cœur apprenti se lève dans une nuit sans ombre. Aller, marcher, grandir, parfois je m'absente, donner, parler, passer, parfois je cogne aux murs de mes histoires.

J'ai peur de ces lieux traversés sans un seul regard. Devant le ciel et encore le ciel, toujours disparu.

Quel était le hasard que j'attendais ?

Je fuirai pour rester, rêveur fragile d'une histoire.

Ma mémoire est pleine de jours nouveau-nés. Comment les dire ? Comment les écrire sans les étouffer ? Au jeu du souvenir, il n'y a plus d'habitude, disparues les répétitions, les mots seront détruits.

Que deviennent les maisons que je n'habiterai jamais ? Je veille mille vies, délivrées et vacantes, aux fenêtres taillées dans le silence.

Cette maison, une maison sans âge, justement à l'âge où je jouais avec la pierre à faux du soleil, au milieu des épines des talus, tous mes secrets dans cette maison blanche. Cette maison harcelée par les vignes et ses volets claquants, enracinée au cœur et ce long couloir que je traversais sans hâte. Il faisait froid. Je m'y arrête encore lorsque mes mains ne savent plus me guider, lorsque je crois entendre les voix qui m'y tenaient. Ce chemin qui n'en finit pas de se perdre et de me perdre. Au bout, aucun horizon qui permettrait de voir. J'y ai bâti mes jours et ma raison, où j'ai appris à enfouir mes mains au plus profond des poches, m'habituant à errer entre deux murs inventés. Centre silencieux de mes désirs, couloir scellé de ma pensée.

Cette maison, je l'ai lentement détruite, le rêve est achevé. Arrêté au bout du couloir de mes souvenirs, j'ai trouvé d'autres mots pour comprendre. J'avance au bord du feu, sans croyance.

Il faudra d'autres vies pour apprendre à te nommer. J'inventerai, j'assignerai des mots nouveaux à nos résidences inconnues, encore closes. J'ouvrirai toutes les portes de ces trop longs couloirs.

Quel est cet oiseau dévoré ? Nulle part où le connaître. Je rêve d’une aile bruissante.

Cet amour à la rondeur exacte d’une nature soulevée par le vent, simple, simple et ramassée dans les gestes qui le portent. J’ai écarté les buissons, nous sommes passés. La pluie est venue, noueuse sur les lèvres, ruse de notre avance. Ecoute, écoute la pluie qui tombe. Me voilà revenu à la place qui me hante.

Prisonnier scrupuleux, j’apprends à visiter les lieux que j’habite. Je ne dérange ni ne range. Adossé à la mémoire, ce sont vertiges et feuillages qui dessinent un ciel léger, exacte réplique des chemins empruntés.

Au bout des sentiments, il n’y a pas de visage familier.

Se détacher, ne plus croire. Je suis seul. Excès de cœur dans le silence, le plus grand silence. Mille feuilles mortes volent éclatées par un brusque coup de vent. Exorciser ? Oublier ? Qu’ai-je voulu ?

Ecouter. Se contenter d’écouter. Regarder une des dernières feuilles finir sa course saccadée, disparaître.

Mon rêve est perfectible, par le feu, par le temps.

A présent, la nuit se vêt de tiraillements excessifs. J’éprouve la tentation de passer des barrières imaginaires, mouvantes, répétées. Il y a le sommeil, le sommeil incendié dans une gorge froissée d’éclairs.

J’ai pensé ignorer la souffrance et la souffrance intacte trahit ce qu’elle cachait : l’imagination juste de la mort.

J’ai rêvé mais en retard. Ce que tu crois n’est pas.

J’ai déjà changé. Je prends chaque jour ce chemin. Bien qu’il traverse les mêmes lieux, il tourne différemment autour de ses convulsions, descend ou monte plus âprement suivant l’heure, remet à plus tard les rencontres attendues.

Au cœur de ma raison, une raison brûle, une mémoire disparaît. Puis-je avancer ? Qu'écrire ? Sinon que j'ai tout perdu, que nécessairement je perdrai tout.

Rêve ou mémoire ? Rêve repoussé. Quelle page déjà écrite, déjà froissée ? A quel moment le jugement de la mémoire ? Où te nourris-tu ? La parole débusquée est une raison de plus de se divertir. Mais tomber ?

Nous attendions. Nous attendons encore. Nous visiterons un pays ignoré du ciel où le plaisir sera de disparaître, dispersés. Les animaux au moins fuient devant les feux. Quel malentendu ce désir !

La main légère apprend à jouer. Virevolter, voilà ce qu'elle découvre. Sa passion est dans l'objet qu'elle cherche à enivrer, toute entière image de son mouvement. Il ne lui manque pas. Elle sait que feindre d'exister c'est le retenir prisonnier dans des lignes qu'elle ne tracera jamais.

(Veyssilieu 1979, Paris 1995, Tel-Aviv 1996)

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Le droit-fil

(1)
Au seuil de l'indélicat testament.

(2)
Au-dessus des toits, la chambre vide du ciel.

(3a)
Ce qui manque, c'est un temps d'arrêt, un long éblouissement, une voix répercutée d'écho en écho, un souffle apaisé, un regard immobile au bout de l'éternité. La nuit n'est jamais suffisante.

(3b)
C'est la nuit, rien qu'une nuit sans lune où pleure le chat perché sur le toit noir des rêves.

(3c)
Cette mémoire des petites choses, l'incessant aller-retour de l'endroit à l'endroit. Arpenteur de mémoire sans mémoire.

(4)
Demain suffira bien pour dire la peine d'aller, le plaisir du vent, la fraîcheur sur la nuque, le matin froid. Demain suffira bien pour prendre le temps du café au bord d'une terrasse d'abîme. Demain et plus loin.

(5)
Des compagnons de vie et d'exactitude, de rendez-vous pris, manqués pourtant ; une lumière trop vite éteinte, des instants portés disparus alors que tout attend. Là.

(6)
Entendu : "le monde, c'est tes bras".

(7)
Il fallait se lever, arbitrer l'indicible, armer la main pour casser le rêve, établir la vérité, rétablir le silence.

(8)
Là. Par là. L'errance débute, errance blanche du silence sous le silence du ciel. Errance du bonheur et de la douleur.

(9)
Le chœur gronde de l'autre côté des décors.

(10)
Le cri infini du poisson harponné.

(11)
Le jeu disparate du désir et de la raison n'a plus cours. Tout ce qui échappe, tombe, s'éparse, donne à rêver de peu, au mieux du plaisir et de l'oubli du plaisir. Le cœur cède et l'esprit le suit dans les plis toujours mouvants de la jouissance, sans un regard, sans geste.

(12)
L'épaisseur versatile des rêves.

(13)
Les mêmes mots pour la peur et le plaisir, la mémoire et l'oubli. Des mots d'arpenteur.

(14)
L'espace blanc des mots qui se défont, par défaut d'espoir, ne nous oblige pas à céder sur notre avance et notre rire. Mille mots instructifs dans le dictionnaire franc de l'écriture.

(15)
L'instrument et la couleur sont de la première importance. Glissades, parfois heurtées, mains malmenées, fermées, tendues. Elles doivent défaire la trace des lignes écrites, surgir. Le choix de l'instrument est de la première importance. Et la couleur. Comme un pont jeté sur la mémoire. Choix de l'instrument. Décider de la couleur. Inventer, vivre.

(16)
Nous abandonnons trop aisément à la crainte d'aller nos sensations, nos peurs - toujours enfantines, toujours blanches et noires, excessives - ce jeu de froissement de cœur qui subsiste et nous oblige à avancer.

(17)
Passion éprouvée des choses vues, en quelques lignes. Ne rien clore. Il faut se répéter sans cesse ces quelques mots de magie - de toute façon s'éterniser dans un froid rayonnant et presque confortable.

(18)
Petit chat du malheur, passant de la mémoire sur le toit de nuit d'un début de monde. Le froissement du vent sur ta fourrure noire lève des reflets d'étoiles comme autant de peur, de fièvre et de rancune. Malheur du regard.

(19)
Petit masque, grands yeux - bien ouverts - calmement, à grands pas, charpentés de nuit. Réalité... Réalité... Réalité.

(20)
Pourvoyeuse des rêves à détruire, il faut bien, un jour, se mettre à guérir. Question de mémoire, en somme.

(21)
Quand demeurer toujours ou tourner chaque jour, en démesure de mots, souvent s'il fallait seulement un brin de fine mémoire, un autre rire aux lèvres ; quand demeurer yeux ouverts ou tourner sous le geste moqueur et parfaire sa soumission, l'orgueil aussi ; s'il fallait seulement un brin de fine mémoire pour deviner, entre demain et plus tard, bien plus tard, les mots qui resteront sans peser, sans blesser, d'un ailleurs ou d'un hier, ni possible ni souhaitable demain.

(22)
Ramasser les images et les mots. Saisir le geste inaperçu, le regard qui, plus que les mots, dévoile d'autres regards, secret d'entre les secrets, aventure d'aventures.

(23)
Soyons lestes, légers jusqu'à la transparence. Nous toucherons mieux le ciel, ainsi, vide de temps.

(24)
Toutes les raisons d'aimer et de haïr dans le même instant arrêté. Toutes les raisons d'éviter le choix, la raison d'aller, l'argument de céder au choix même.

(25)
Vandales du feu de la Sorgue. Vos autorisations sont précipitation, servilité de peu d'amour. Tout juste arracheurs de mémoire. (A la suite de R.C.)

(27)
A chaque instant, il y a la mémoire des villes, cette indépendance des actes et du lieu. C'était l'hiver. Nous prolongions des conversations interrompues par notre volonté, pour la joie de la rencontre... et encore la rencontre.

(28)
Ceux qui nous emporteront dans leurs bras revêtus de vert et de rouge, ceux qui ne prêteront attention ni à nos regards ni à nos lèvres qui bougent, ceux là seront les cris de notre vie enlevée.

(29)
Il y a des yeux dans lesquels on se reconnaît, par instinct. Un clair regard où notre vie est toute entière jetée dans le monde. Des rencontres que le hasard n'a pas dérobées à notre propre vie. Il y a des yeux dans lesquels se noyer n'est rien car c'est naître que de les croiser.

(30)
La mort. Ce petit jour froid où nous sommes poussés à reconnaître que rien, ni visage ni mot, ne permettra d'avancer, de tourner simplement. Toujours ensemble au creux de nos regards où l'un des deux s'est aventuré trop loin et trop près. Arraché du temps commun.

(31)
Nous finirons par contester nos habitudes, les amertumes figées dans le blanc et le bleu d'un hiver qui s'attarde. Au risque de la satisfaction, nous donnerons à l'absurde présence des mots, une réalité si pesante que nous menacerons de nous en débarrasser brutalement. Les rythmes sont sincères, les verres vides. La cigarette écrasée donne ce mal de cœur froid que l'air vif, fenêtre ouverte, a du mal à faire passer. Nous entretiendrons avec nos cœurs des conflits maussades. Alors, nous sauterons pour un grand plaisir vide.

(32)
Nous prêtons attention à nos rêves comme à des réalités possibles de changement, de jouissance. C'est un pouvoir nouveau qui nous entraîne.

(33a)
Nous progressons sur des feux de paille, averses fugitives de brindilles bleues. Ensuite, qu'advient-il de nous, de nos projets, de nos actes ? Quelle importance ? Nous naissons dans un silence noir.

(33b)
On apportera du cœur à l'ouvrage des mots, du cœur désespérant de doute, un peu de patience, de l'exactitude.

(34)
Où nous avons attendu, tout tendus de mémoire, d'effrayantes images rêveuses, sur un chemin de bord de ravin bordé de cyprès bleus ; où nous avons laissé plus que notre esprit et bousculé les pierres accrochées aux épingles des arbres ; là, sous l'orage, quand nous avions le temps d'amasser des mots et des rires et de la peur ; là, nous commençons vraiment à oublier si, le silence aidant, nous pouvons encore y passer.

(35)
Postface à "Voisins d'arpentage". Où écrire ? A qui ? Qu'ai-je encore à dire ? Je n'aime pas raconter. Suis-je si vide ? Comment ça marche dans la tête ? Ai-je un plan à tracer de toute urgence ? Pourquoi tant d'erreurs dans cette vie ? Quand finirai-je ?

(36)
A cet instant, où je suis, j'ai tracé le cercle de brise qui faufila les feuilles, le rêve l'emporte sur le cœur, il s'alourdit d'ailes froissées et de souffles inutiles. Le rêve contre le cœur ! Faut-il être à ce point dépensier pour ne rien désirer ?

(37)
Comment déceler le faux du vrai, l'illusion du rêve, le masque sous le visage, le visage sous la réalité ? Quelle importance accorder aux attitudes du geste sinon le souci de les voir telles qu'elles sont ? A vrai dire, comment aller plus loin dans la destruction des faux semblants, comment déjouer l'astreinte qui pèse sur chacun de nos moments ? Je veux dire, comment penser l'histoire, son histoire, sans qu'elle se transforme en doute ou en ignorance, en suspicion ou en indifférence ?

(38)
En moi joue l'ombre dédoublée de l'instant. Elle tourne toujours arrêtée dans la mémoire. J'ai fini d'écrire pour cette vie entière.

(39)
Etre ce que je suis - en toute contradiction - calme, patience et silence.

(40)
Il y aura de grands bouleversements qui me laisseront amer et libre.

(41)
J'ai aimé la lente dérive de la lumière dans les arbres au-dessus de ma tête, le ciel cassé sur les murs blancs, le ciel tout entier au moment où il disparaît et la nuit n'est plus qu'une et Mozart est forcément vivant, c'est un seul geste dans ma tête tout au long de la vie.

(42)
Il reste si peu de temps, aucune surprise, sinon l'aventure quotidienne. Et si je m’arrêtais ! Il fallait débuter un autre voyage, abolir mémoire et passé, refuge et enfance. J'ai changé de stylo. Une façon de dire l'impatience et la peur, le risque de perdre. Il y avait cette douceur des soirs d'une grande vie, baignée de parfums clairs et de senteurs légères. Ce nocturne, mieux qu'un rêve, mieux qu'une vie. Un pur instant de feu. J'ai changé de stylo et j'ai changé d'âme. Je me suis offert un plein panier de silence, un ciel chargé de solitude, à la découverte de ce que je suis.

(43)
J'ai des spectacles et des mains sous mon manteau de mots.

(44)
J'ai peine à avancer partout où vont mes regards. Toute pensée devient difficile et trouver les mots pour la traduire quasiment insurmontable. J'ai peine à m'asseoir, le soleil me fait mal. Un peu de peur, la nuit vide, un piano cogne à ma mémoire. Je suis ma seule compagnie, sans conversation, à l'intérieur la lumière manque. L'équilibre casse comme paillettes, l'obstacle c'est mon esprit, l'obstacle c'est moi. Partir en promenade. Je n'ai plus de mots.

(45)
J'ai peur de ces lieux complices, intransigeance éphémère d'un coup de vent.

(46)
J'ai trouvé la transcription musicale de ce que je tente d'écrire. Réserve soutenue de Paolo Conte.

(47)
J'apprends à ne plus aimer et, seul, à finir les phrases entamées à plusieurs, le doux sentiment d'être et de savoir me taire. Parler à haute voix ne m'est plus nécessaire. J'apprends le silence parmi les autres car je pourrais tout dire. J'ai appris la peur du silence, aussi le silence ! Je ne sais plus aimer les mots lancés, rebondis. J'ai d'inutiles espoirs, de vaines paroles inéchangeables. Après, plus tard, sous la nuit d'un ciel froid, sous le ciel d'une lumière crue, je pourrais tout oublier, tout feindre, tout inventer, tout peser dans ma tête. Je sais ma mémoire, mon cœur de mots passés, j'ai la mémoire des gestes, des lieux tendus, des instants vides. J'ai la mémoire simple de mots trop lourds. A force, il n'y a plus de traces, plus de traits, les plis audibles meurent. Les mots dits, les maudits !

(48)
J'invente, nuit après nuit, des mondes parfaitement inutiles. Je les traite avec précaution, mais toujours dans une vivace fugacité. C'est presque devenir somnambule, le jour. Tout est passion. Il faut bien s'éteindre quelque part, momentanément, s'effacer derrière soi, se regarder. Pourquoi mes miroirs me trahissent-ils ? Sans doute est-ce difficile de grandir et de se prendre tout à fait au sérieux ? "Rêver, les yeux ouverts". A tout seigneur, tout honneur. Je préfère ça. N'essayons jamais d'être vraiment sérieux. Chacun son caillou qui déforme la poche et finit par la trouer. Nos refuges ont toujours des fenêtres difficiles à fermer. Finalement, nous n'allons jamais dans le sens le plus opportun pour nous-mêmes. Nous apprenons trop tôt à nous contraindre et cette fâcheuse habitude pèse sur nous de façon insistante. Ah ! Si j'étais musique, intouchable trait.

(49)
J'avais déserté l'effleurement quotidien.

(50)
Je finirai par avoir peur du silence ; mes yeux ne peuvent s'ouvrir indéfiniment. Il y a des trous dans ma mémoire. J'arrêterai de tourner quand bon me semblera. Arrêter de tourner.

(51)
Je m'attarde dans l'avenir, seul instant acceptable. Tout n'est que partie remise, elle s'aventura enfin.

(52)
Je recommence à avancer, arpenteur de sentiers légers. Enfin détaché, enfin en réserve de ce qui vient, pur spectateur. Ailleurs ! Mais c'est ailleurs, là, dans l'esprit tout entier tourné vers sa création. Ailleurs ! Mais maintenant quand les mots ne sont plus suffisants à débusquer la vie. Je me souviens : à partir d'aujourd'hui, tout ce que nous ferons sera de trouver une qualité et un sens à notre existence. Détaché de l'extrême vigilance des jours.

(53)
Je retrouve des joies anciennes d'architecte d'espoir, une patience de rêveur de fond.

(54)
Je vais renouer avec le silence, le trouver intact là où je l'avais laissé, au fond de moi, sur un bord de talus sous un ciel grand et vide, bleu de désir, lavé de l'amertume. Un vrai silence de vie. Un vrai silence plein de regards voilés, un grand silence tout étendu, léger, un silence de silence.

(55)
J'écris par petits bouts, par morceaux de sensation, ramassant pièces et débris martelés de la vie. Quelques mots, quelques phrases, aucun livre. Je n'attache plus d'importance à la longueur. Seule compte la cohérence, la triste cohérence d'un mot sur l'autre, ne serait-ce que pour la détruire une fois pensée.

(56)
J'habiterai sa lumière car elle seule me donne l'aventure, le parfum, le désespoir d'être. Car elle seule joue dans mes mains comme autant de regards portés sur les ombres des étoiles. J'habiterai son corps car il me porte sur les rêves du vivre et du désir. Je déserterai pour mourir. Sait-elle le point de non-retour de mon amour ? Sait-elle que, passante, mes bras ne suffisent plus à la retenir, que toute souffrance est là ?

(57)
Me suis-je trompé ? Je ne doute pas de l'aimer. Ou bien est-ce sa bouche que j'ai voulu mordre ? Quel jeu joue-t-elle avec mon désir ? J'ai crié et pleuré sous son ventre.

(58)
Notre obsession nous vaudra de faux détours, des herbes dolentes sous le vent chaud, de l'illusion (un remords). Souviens-toi ! Cette Illusion légère pour toute liberté. Je me suiciderai pour m'apprendre à vivre.

(59)
Par miracle, j'ai suivi le chemin blanc d'un jour d'orage, il y a vingt ans. Moins d'arbres, moins d'étincelles, la peur pourtant à l'instant de quitter l'embrasure de terre, là où forcément il fallait passer. Mime odieux du vent dans les herbes. Toute la place pour un cri. Toute la place...

(60)
Tenté de parler au passé comme si tout était joué pour une part de moi, comme si, déroulant ce qui reste de la toile, le fond inachevé devait le rester. Ce qu'il faut de duplicité pour s'apprendre !

(61)
Une épaisseur de trait pour chaque écrit, chaque histoire qui s'écrit, épaisseur de la plume. Il y a la place occupée par les mots. L'empâtement des mots. Je mène quatre parallèles et toutes croisent au droit de ma mémoire morte. Quatre lieux d'exercice, quatre temps, quatre vies qui, ramassées, n'en feront qu'une une fois le travail achevé. L'écriture se répète et répète le même chemin, le même trajet. Celui du jour de l'effacement des mots. Il reste le regard, la main, le geste d'ouvrir les bras et de les fermer sur la lumière du monde. Il reste le silence et les yeux. Un architecte patient dresse les plans de chute, les plans de fin du chemin parcouru. Un architecte enfermé dans le pli du regard qui cille sur la lumière aiguë de la nuit passée.

(62)
W.A. Mozart. J'ai grandi avec Mozart, tour à tour ciel, orage, feuillage, mille feux dévorés, mille cœurs délivrés. Il est de tous les voyages, devenu mon propre regard sur le monde, manière instinctive d'effleurer les étoiles, il donne sans jamais se donner tout à fait. Pervers Mozart.

(63)
Revenir à Quentin, petit Quentin du vent sur la dune.

(64)
Ce serait "l'ordre des choses" dédié à mes contemporains d'arpentage, à mes voisins de mots où les causes et les effets ne finissent pas de devenir. Aller-retour inachevé, se transformant sans cesse. Ce serait "traité de l'implicite" ou "histoire" ou "fait" ou "effet", de demi-mot à demi-regard, de demi-geste à demi-silence, ce qui ne se dit pas, raconté pourtant haut et clair, les instants sans surprise d'histoires surprenantes, façon d’aller en somme. Ce serait "Le silence est bien encombré" car à l'autre bout de toutes ces vies, il y a Quentin, Quentin l'adossé, tout entier mémoire et mémoire de la mémoire, qui s'attarde au bord de la table - son garde-fou en quelque sorte - qui s'attarde en écrivant, pianoteur de mots qui pèsent sur la vie. Ce serait "Eloge de l'effleurement", l'à peine vu, touché de la pointe traçante de la mémoire. Ce serait "C'est maintenant", comme un droit-fil d'un passé dévidé.

(65)
C'est trop d'orgueil à l'encontre des jours. L'histoire de Quentin ne touchera pas à sa fin. Je désirais parler de légèreté. Trop d'orgueil nous mène. Les choses du monde n'ont plus l'importance nécessaire pour les rendre visibles. Quentin sait l'impossibilité d'être. Nos refuges sont illusoires, de feintes tentations, à peine des traces dans le quotidien, à peine des mots. C'est assez d'orgueil pour ne pas céder à l'instant, le lieu difficile d'être. J'ai écrit Quentin, une histoire qui ne peut trouver sa fin. Il est au bout du couloir, au début... Il ne sait quelle direction prendre, Quentin, l'enfant d'un coup devenu grand. C'est mon orgueil, ma vrai patience, ma vie sans vie à raconter.

(66)
J'en oublie Quentin, Quentin l'adossé au monde, poings serrés au fond des poches, yeux fermés. Quentin, rêveur de vies.

(67)
La dernière cigarette de la nuit et les derniers mots prononcés au bout du silence dans la fumée envahissante, les seuls mots vivants pour le temps que durera cette  musique. Il fallait parler de Quentin, le pousser à franchir une fois pour toutes la frontières de ses poches défoncées. Et bouger. Quentin racine, Quentin bloc de pierre, une fois finie la cigarette, une fois écrit le dernier mot.

(68)
Celui qui nous rend intelligent, qui nous laisse à nous mêmes, humains, celui qui, avec les mots les plus simples, bâtit l'univers et nous l'explique, celui-là je l'approche avec quiétude. Celui qui donne confiance en nous disant : ce chemin est le tien, tu es seul à pouvoir le tracer, celui-là me convie à l'humilité de moi-même. L'orgueil d'être.

(69)
Feu du détour. Sois tranchant, tu gagneras en vérité. Sois simple, tu n'y perdras que ta peur.

(70)
Le cri que tu donnes et celui que tu tiens, dans une même bouche. Pourquoi la peur a-t-elle ce visage multiplié d'une douleur de feu, la peur arrêtée ? Il y a trop de voix dans cette criée à double-voix. Combien de mots peux-tu apprendre ? Crie, le cri qui te tient. Alors n'applaudis plus, ne rêve plus, astreins toi à disparaître.

(71)
Le temps était léger, de cette légèreté du pollen du soleil et de la nuit. Tu dansais. Toutes les phrases sont simples. Comme une mémoire immédiate des faits. Les traces s'effacent. Tu dansais sur des pas disparus, les pas perceptibles du temps. Les phrases sont le mouvement du temps, ce fil de la mémoire cassée, nouée, cassée, blanc sur la page blanche de l'instant. Je regarde ta danse. Elle dessine l'empreinte singulière du temps dans ma mémoire vide.

(72)
Quelle confiance t'accordes-tu ? Celle de l'instant. Celle de l'éternité.

(73)
Sur cette terre sans âme, dans les sillons des larmes, le rire bousculé de nos adolescences. Lève-toi, murmura-t-elle, lève-toi contre moi. Dans ce bout de monde, il y a le monde, la longue histoire d'un instant d'allégresse.

(74)
Tu disparais comme une pointe de soufre s'enflamme.

(75)
Tu m'oublies, Jade blanc. Tu as traversé la nuit et je me répète ton odeur et tes hanches et ton ventre. Tu me désertes, Régnante. Passes-tu parfois ? Je ne t'oppose plus d'argument. Et j'ai appris à dire les choses vraies. Et j'ai senti que le matin ne s'ouvrait plus de la même manière. Morcellement de la franchise.

(76)
Année des mélanges. "Encore et toujours", venait-elle de dire.

(77)
Ils vivent un temps illégal, martelé à la forge d'écume de la nuit. Un spectacle interdit dans la chambre dérobée les attire malgré tout. Ils se doutent que le plaisir sera connivence, peu à leur portée et ils tiendront les bras tendus pour en attraper encore jusqu'à la souffrance.

(78)
Petites paroles. Petits riens du jour, frais, neufs. L'ange aux pieds nus qui tombe sur la terre ne sait ni parler ni rêver. Ses mains frappent le vide qui le tient. L'ange de trop d'espace, petit marasme bleu sur la frange d'une flaque, petite claque d'un matin froid quand un ange casse la glace de son regard perdu, près d'un lac lacéré d'herbes droites, ange des heures de feu d'un soleil qui s'éteint, à pied et pieds nus sur la terre - à peine un souffle déridera ses ailes. Il s'est décidé à venir et, ne sachant ni parler ni rêver, s'est décidé à penser à regard haut contre le ciel et l'enfer qui le poussent dans la peur de ce matin d'hiver. Petit faune blanc.

(79)
Plus tard, il se rappela qu'il pouvait tracer d'autres mots, franchir d'autres pentes, passer les portes. Et il prit l'instrument de sa mesure du monde et écrit.

(80)
Qu'est-ce qu'écrire, sinon se donner une raison d'aller ? Chaque fois commencer, être débutant, se placer au départ, estimer le chemin à parcourir, déjà se décourager, penser qu'une œuvre s'accomplit, même si l'essentiel reste immatériel, prisonnier d'une demeure mentale, inventer un monde à chaque seconde, autant de mondes possibles, intraduisibles ou inavouables, espérer tout écrire, avoir une seule raison pour poursuivre, une raison de vivre. Ecrire, seul acte possible. L'avantage est infime, les précautions superflues. Il manque l'instinct, la lumière. J'ai grandi avec un mal au cœur permanent, une absence de patience et de passion. Quand écrirai-je vraiment ? Mais recommencer. Comme si je n'avais rien appris. Ne savoir qu'attendre, aller pour attendre. Je changerai de papier, je changerai de stylo. Ce seront pourtant les mêmes outils et tout existe dans la tête. Est-il bien nécessaire de tenter de traduire cette attente, cette capacité à résister, à enfreindre le temps ? Ecrire sur l'écriture, écriture de l'acte d'écrire, est-ce suffisant ? "Ne me parlez pas du dérisoire" disait l'image. Enfant, il s'agissait d'éviter de grandir. Et à tout âge, j'étais grand. Le sujet et l'objet sont identiques : la pensée, la pensée déroulée dans l'attente. Attendre mérite à chaque instant des lieux et des états différents. Certains permettront d'écrire, d'autres d'éprouver l'ennui, quelconque nausée, quelque peur. Mais recommencer.

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In fine

L'encre et le papier
J’épelle l'inconnu. J'ai trahi parfois mais j'ai écrit. J'ai dressé la liste des raisons d'aller, inachevée maintenant - sans illusion. J’ai manqué à mes devoirs comme à mes désirs. Qui franchit la ligne ? Qui parle ? Danse, danse sous les lumières d'une dérision habile à défaire la trame des choses aimées ! Danse sans raison ! Il faudra recommencer le mot à mot du temps, se bercer des brefs tiraillements de l'encre sur le papier, s'astreindre à reprendre toutes les traces laissées en suspend. J'ai éprouvé l'incertitude du cœur. Voir, voir jusqu'à perdre l'usage du regard.

Encore un peu d'encre
"L'usage du regard". C'était une décision, la seule à satisfaire mes rendez-vous avec l'indicible. J'ai appris, j'ai franchi des frontières, je me suis caché.
Cette vie si pleine d'instants éteints ! Puis-je encore écrire, parfaire les nuits, sauver le rêve ? Où je n'ai pas écrit, je n'ai pas aimé ; où je n'ai pas écrit, il n'y a pas eu de vie. C'était possible.

Le meilleur de soi-même
Ecrire ! Mais c'est la raison du papier et de l'encre, la raison même de la nuit, où j'écris. La seule question à laquelle il faut répondre : comment avancer maintenant ? Plutôt : comment aller à partir de cet instant où se formule la question ? Est-ce "comment penser ?". Est-ce "que désirer ?". Plus simple, sans doute : comment aller, quels gestes décider, quelles pensées pour accompagner le mouvement ? Cela pourrait se formuler ainsi  : "comment rendre compte, et de quoi et pour qui ?". Et s'il n'y avait rien à dire ! Economie du désespoir, ma plus grande chance. J'écrirai cette mort qui me vient, cette mort que je sens dans mon encre - cette encre noire. "On a beau vouloir", me voilà enfermé, perdu, blotti contre des murs froids, dans un vide silencieux. "On a beau vouloir". J'ai souvent peur.

Une place à prendre
Je reprendrai ces travaux exacerbés. Au-dessus des toits noirs, la nuit noire sans étoile pour poser le regard. La fenêtre donne sur le vide. Cette fois - plus d'une fois pourtant - cette fois, éviter l'erreur d'interpréter les chemins et le paysage qu'ils limitent, ne fournir que des instants interprétables. S'astreindre à deviner - à deviner vrai - les formes des toits dans le noir, plus loin si quelque nuage dérive, plus loin encore s'il y a une trace de ciel.
Naître dans chaque regard porté vers la fenêtre ouverte.

Si j'étais seul
A ce levant, j'ai piétiné l'herbe ombrageuse, marqué des empreintes blanches de la fin d'un monde. Cette faim ! Cette soif ! Pourquoi ? Comment ? Où poser la main ? Quels pas tenter ? Dans quelle direction ? Finir ? Balbutier. Tout me fuit.

Questions en retour
Etrange, ce sentiment d'inachevé devant les faits quotidiens. Où est ma place ? Je vais avec réticence, toujours à distance. Où sont les mots que j'aimais et qui me balançaient dans mes absences ?

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