FAÇADE
Il y du
dédain dans cette façade trouée, indifférente, retournée. Comme une solution de
continuité vers l’abîme, comme une disparition de l’espace, comme un chemin
vers la séparation. Plus loin,
peut-être, d’autres ouvertures existent. Des portes ? Une porte ? De
nouvelles lumières qui renouvèleraient la profondeur de champ jusqu’à d’autres
impasses d’ombre ? Des segments où la lumière imposerait un autre
silence ? D’autres ordres des choses ? Comment les imaginer ?
Elle est comme un écart en soi, inachevée,
séparée de soi. Comme une fuite en avant, comme un cri étouffé, comme une main
vite effacée. Plus loin, ou avant, de nouvelles trouées pourraient faire illusion, nous étourdir parce que, soudain, ce serait l'irréalité, le trompe-l'œil du vide, une ébauche de perspective où nous serions enfin vivants ? Pourquoi cette vanité de croire à un monde bienveillant ? L'imposture persiste et le judas est noir par lequel nous entrevoyons des fantômes en guise d'humanité.
L’architecte
pose ses clôtures jusque dans notre sommeil. La paroi reste droite et dans
l’ombre qui l’efface notre mémoire souffre, rompt, bientôt inhabitable, nouvel
obstacle à notre vue. Plus loin,
nécessairement, d’autres constructions, in
progress, précipiteront notre renoncement. Se pourrait-il que nous soyons
rappelés parce que, victimes des frontières, nous refusons de renoncer à notre
dignité, dernière station avant d’être définitivement étourdis ?
La vie nécrose le désir.