Frontières

On ne comprend parfois qu'à la condition de liquider sa science dans le récit loyal des circonstances. Les solutions ne résident pas toujours où on les cherche. Il faut toujours payer, donc accepter de solder par quelque aveuglement ce changement de lieu, pour voir mieux. (Michel Serres – Le Tiers-instruit)

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Frontières (1)

Ce qui vient : une frontière parmi d'autres. Toutes les frontières se ressemblent et les orages qui tournent autour de leurs tombeaux altèrent le pas, font courber le dos, une fois la décision prise d'avancer. Quand nos pas nous conduisent vers les frontières, doutons de les atteindre. En quoi seraient-elles plus proches à mesure que nous avançons ? Comment passe-t-on les frontières ? Comment penser les frontières ? Où commencent-elles ? Toutes les lignes de fuites se rejoignent-elles ? Où figure ce point ? Il s'agit de la grandeur nature des limites. Chaque limite peut être franchie. Quelles seraient les frontières infranchissables ou, une fois franchies, inconnues, inépuisables, inédites ?

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Frontières (2) - Vers Ranchi (Inde)

Que sait-on des frontières ? Des lignes qui sous-tendent le silence alentour ? A l’approche des frontières, il y a le silence, le rêve de tout un chacun d’organiser le monde à sa main, puisque le monde est devenu une plaine immobile ; ni chant, ni vent, ni tout ce qui fait le mouvement, rien ne trouble les démarcations qui surgissent de la terre. Il faut suivre les frontières, les visiter, regarder en deçà et au-delà, respirer l’air qui pourrait, un jour, manquer, assujettir chaque lumière pour comprendre le regard, le regard porté du vide sur le plein ; le mouvement est à ce prix : un pas de côté pour apercevoir ce que la frontière cachait, un pas de côté pour éprouver ce regard, cette vie en nous qui ne se satisfait ni des limites du monde ni des frontières en soi.

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Frontières (3)

Le bâti n’a pas véritablement de forme, juste posé au bord de la route, dans l’aboutissement de la ligne qu’elle forme, plus haut, avec la lisière d’une forêt qui, à cet endroit, fait écran avec le ciel. Une palissade, devant, prolonge la perspective, sorte de coffrage à l’ossature incertaine en équilibre sur le bas-côté. Aux abords de la frontière, le paysage devient neutre. Il est aussi un commencement à tout. Dans un plan intermédiaire (à mi-parcours entre la route et la lisière), une procession de lignes, plus ou moins floues, mouvantes, de droite à gauche, d’avant en arrière, forme une large nervure vivante, agitée de plis successifs qui meurent sur eux-mêmes, recommencent, refluent, troués par instant de saillies lumineuses, d’un vif orange ou blondes, virant au mauve et au gris, qui s’embrasent sous quelques coups de vent. Au centre parallèle de cet espace, un double barbelé noir sépare le monde en deux - devant, après ; ici, plus loin -, mais, par endroit, disparaît derrière les hautes herbes. Il marque la frontière, dit-on, depuis l’origine. On oublia qui le posa, il fut conservé en souvenir. Il est narquois, sensible et querelleur, visible et invisible à la fois, en garde-fou du seuil du monde.

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Frontières (4)

Dans cette ombre, partagée de gauche à droite par une ligne plus claire, dégradée de bas en haut du plus sombre au plus lumineux, selon que le regard s'attarde sur la séparation ou sur les parties, selon les rencontres qui nous retiennent, selon le silence (le mieux serait de faire silence), selon la courbe qu'empreinte l'ombre de l'ombre, par moment plus dense (mais pas noire), selon le vent ou la pluie ou un rayon de soleil qui rendent , parce que la tentation de nous échapper est forte, l'ombre plus accueillante, dans cette ombre le monde a pris sa place, le monde en soi de l'ombre.

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Frontières (5)

Dans l'air, suspendu à la bordure de ce qui pourrait être un horizon, sa ligne de la main, son firmament, la courbe qui le tient dans le ciel, l'oiseau prépare son vol, indifférent aux alentours. Il plie sur l’envers révulsé du vide, appuyé sur lui-même et monte par degré les degrés de sa prochaine disparition.

Le voilà ! Il ébauche la limite qu’il devient, tout à coup débauche de signes délicats, ardents, immenses, à lui-même son garde-fou et sa répétition, passant les obstacles invisibles de l’air. Là ! Encore et encore ! Quelle méthode !

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Frontières (5b)

Au devant de la frontière que nous approchons, au devant mais dans une perspective droite et irrévocable tant la lumière est blanche, nous réservons nos gages à proportion des intentions que nous avions de la franchir. La solution de continuité - parvenir à destination - est au coeur de la frontière même. L'avenir est plus rusé, plus habile : il sait nos dévouements mais n'en tient pas compte ; plus tendre aussi : il y consentira et la frontière sera nervure en soi de notre tenacité à tenir le désir.

Voilà l'extrémité du jour en guise d'épilogue. L'intention demeure.

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Frontières (6)

Chère N...

Sur le bas-côté de la route d'Uzès, les herbes et les buissons mélangent leurs couleurs en tressant des festons et des torsades agitées sous le vent. Ranchi n'est pas loin, où la poussière élevée sur le ciel, jaune et noire, dessinait les lisières éphémères du pourtour du ciel.

A ce souvenir, joindre la carte pliée en quatre du rendez-vous.

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Frontières (7)

Chère N...

En embuscade, légèrement en retrait, parfois caché dans les ombres d'arbres bleus quand le soleil plonge à raz de terre, le plus souvent assis adossé à un vieux mur, il observe les escarpements qui cassent la terre sur une ligne qui va de lui vers le ciel, autant de plis qui retiennent son regard - une sorte de vague à l'âme - et lui font comprendre le mouvement morcelé de la terre sur la terre. Plus haut, à mi-chemin, la frontière commande l'agencement ultime de ce paysage : tout tient sur le cordage rouillé, le ciel, la terre, lui, les arbres autour de lui, les couleurs, les ronces, les failles rehaussées de lumière. Sans ce trait l'histoire serait inachevée et ce qu'il verrait ne serait qu'abysse. Il revient à son mur, le soleil descend encore.

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Frontières (8)

N... depuis d'autres fois, sans loi possible, un fois le ciel assombri.

Merveilleuse initiative du parfum dans les volutes pourpres d'une fin de jour. Merveilleux agencement du silence sur l'ombre quand, sur la route de Ranchi, les herbes et les arbres donnent la seule lueur possible, encore, dans l'heure qui suit la chute du vent.

J'ai appris, j'oublie, j'aime toujours.

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Frontières (9)

Le voici revenu, du lointain, du vide, de la limite infranchie. Revenu, surgissant, survivant.

Il interroge, il dresse les chateaux qui l'enfermeront, il ordonne, revient, casse les vagues amertumes pleines de respiration.

Sur le toit, en farandole, en balance, pour respirer encore.

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Frontières (10)

Marquer les territoires, déplacer les buttées, extraire  la poudre et le sang des barbelés, trop d'absents rêvent de revenir, trop d'absents comptent encore.
Mais l'histoire fait sa place, de deuil en deuil, mais l'histoire est au commencement de l'ombre qui monte.

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Frontières (11)

Chère N...

Cette frontière en soi est un rêve visité qui nous astreint à revenir d'où nous partons. Revenir pour effacer l'ombre.

Depuis il n'y a pas d'obstacle, mais la ruse interminable du désert en nous jusqu'à ces murs qui délimitent le possible, des murs dressés jusqu'aux étoiles.

Les fondations sont toujours des biens souverains.

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Frontières (12)

En visitation, sur les remparts détruits, à défaut d'espérer... se soustraire. Plus loin, des travées délimitent les zones à risque. Il faut passer courbé, presque à genoux. En remontant sur le mur, le ciel n'est pas si haut ni si sombre. C'est un soir clair qui s'annonce.

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Frontières (13)

Chère N...

Sur le franc-bord la ligne à peine visible du mouvement d’aile d'une main esquisse ce qui deviendra le jour. Vois ! Une main irréelle, haute, haute tenue, exigeante, inavouable en somme ! Une trace soulevée sous la lumière, ni blessante ni pesante, justement arrêtée au point droit de la mémoire. Et toujours recommencée. Comme un spasme, elle s’appuie sans toucher, ordonne les traits qui saillent d'elle, en équilibre dans l'air. Une trace déployée qui frôle les hanches, enseigne à devenir, donne toutes les ébauches possibles, plie, gravite, s'allonge, énumère ses prémices lumineuses, prémonition de tous les commencements. Nul calcul, elle est extrême, à l'opposé de la matière qui la jette hors d'elle-même dans une explosion silencieuse de tous les alentours. Vois ! Vois cette légèreté qui tient le ciel au point d'incidence de sa naissance, déliée de l'ombre, étendue du fond vers le haut, cette légèreté  obstinée a décidé des confins qu'elle abrite. Ils lui rendront ses caresses quand viendra le moment de reprendre son geste, jusqu'à demain.

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Frontière (14)

Pour contrecarrer les augures, défaire les pronostics, déranger les syllabes des devins et des prophètes, parce que le soleil n'est jamais aussi neuf que dans un matin calme ; pour dévoiler les abandons et briser les fausses promesses - ce ciel qui n'en sera jamais un - et fermer cette échancrure sur le vide au moment de la mort - après rien - ; pour bannir la renonciation, la compassion et le délaissement, où le désert glisse sur lui-même et se sépare en deux pour accueillir les tribus rivales ; pour en finir avec les certitudes nées des frontières et des limites - franchir enfin les traverses, les ponts, se jeter et jaillir dans l'orage - ; pour révéler ce qui en soi résiste aux démarcations de toutes sortes - cette confiance en soi pour avancer, cette franchise envers soi pour avancer - ; pour pénétrer plus loin dans l'inébranlable foi en soi parce qu'il reste à conquérir ce qui nous fait terrestre, fragile, humain et tutélaire ; pour grandir en soi - grandir enfin et passer la frontière.

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Frontières (15)

Chère N...
Le frontières sont devinées plutôt qu'apprises.
Pour preuve : cette cicatrice en coin de la terre qui lui donne sa dimension et son mouvement.
Il n'y a pas d'étalon des frontières, juste des pierres sur des pierres, des barrières éructées, des meurtrières pour les aguets, des entailles profondes, plus profondes encore, des orées barbelées, des devantures mortes, des murs, des chevrons, des impasses toujours - Que de tombeaux à nos regards !

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Frontières (16)

Chère N...

Toute frontière cache dans ses détours - tout au long des collines qu'elle partage - des linéarités mentales, des ligaments vivants, des heurts droits de bas en haut qui remontent dans la chair pour l'irradier et les traits - plus ou moins prononcés - qui la prolongent s'effacent dans les abîmes du cerveau qui tente de la penser.

Penser la frontière !

Il est question d'instrument, de choix de couleur et de mesure du pas. Il est question d'arpent et d'épaisseur du trait. Il est question du plaisir qu'on y prend.

Penser la frontière !

Répéter ce motif jusqu'à la fin.

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Frontières (17)

Cette insistance à battre le feu. Le désert avance, l’armature végétale est réservée derrière des barrières droites, suffisantes. Il est interdit d’organiser la succession des mouvements. Tout bouge dans un souffle immobile. C’est ainsi. L’œil est fixe, la respiration arrêtée, le silence installé dans le regard, vision rendue infirme et défaite. Les étais du ciel s’effacent sous le feu, il y a tant de blessures que la patience n’y suffit plus. Il faudrait renoncer ? S’arc-bouter par lassitude ? S'effondrer ? (*) Devenir étai et brûler ? Finir par espérer ? Ou faire un pas, éprouver cet écart en soi, faire un autre pas.

(*) "Effondrement, répéta-t-il. Ce mot évoque à la fois l'équilibre qu'on perd, le vertige qui se saisit du corps, le sol qui s'ouvre, l'appréhension de l'engloutissement mais l'attrait du vide, la folle approbation au fait de disparaître, et cet appel de la mort..".
Pascal Quignard, Carus, 1979

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Frontières (18)

Autour des fontaines, le futur est obsédant, intransigeant. Mais les fontaines ne coulent plus et les tombeaux ouverts des yeux - d'où plonge le regard quand les yeux sont fermés ? - laissent filer la lumière, les raisons de la lumière, la clarté entière du monde. Là, l'ombre est venue ; ici, elle casse sur des claustras vides ; plus loin, elle s'élève devenant le début de la nuit. Autant de feintes de l'ombre sur la lumière.

Voilà l'oubli : ce signe timide de la main pour dire au revoir et taire les adieux. Mais les fontaines ne coulent plus et la place est déserte, élevée vers la nuit, illimitée le long des coursives qui n'abritent rien ; où, il y a juste un instant, des fantômes allaient et venaient, espérant la rencontre. Ils dorment maintenant, installés le long des parapets : où, juste après, allongeant le pas car le vide attire, il faut quitter l'endroit qui replonge dans l'ombre. Mais les fontaines se taisent, délibérément, jusqu'au jour prochain.

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Frontières (19)

Comment penser les frontières ? Des lignes, des marges, des astreintes ? Et dans ces marges, quels signes pour comprendre qu'il s'agit de frontières ? Dans ces marges, des traces qui seraient le sens et donneraient la lecture du vide de ces marges ? Où débutent-elles ? Quelle en est la fin ?

Des barrières, des obstacles, des interrogatoires ? Des interrogations sans attache, du vide dans les sentiments ? Et dans ce vide, quels mots, quel souffle pour dire la frontière qui s'étire, dans le temps, l'espace, l'humain ?

Mais penser les frontières, c'est dire le dérisoire et la vanité. Nous abritons des réceptacles et des lignes qui nous partagent, nous-mêmes frontières.

Avant et après la frontière sont la même chose : passion de la découverte, méfiance des lendemains, introspection exigeante où le jeu est de dépasser - toujours dépasser - ce que nous étions et ce que nous deviendrons. Ce qui était devant fuira, ce qui était avant a déjà fui.

Une fuite, une halte, un repos ? La ligne des lignes de fuite d'une raison qui ne sait pas s'établir autrement qu'en cloisonnant son monde ? Une fuite encore pour faire obstacle à une interprétation trop simple de ce point focal de tous nos agissements ?

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Frontières (20)

Chère N...

Sur le pas de la porte  - c'était au début du jour, la rue était silencieuse, cette odeur acre et humide de quelque brume de la nuit flottait encore dans l'air, il ferait chaud - le monde est ouvert, c'est-à-dire prêt à surgir.

Mais à cet instant, ce qui importe est la main qui tient la main, qui glisse pourtant lentement en se quittant, subrepticement, mais pour un instant seulement.

Puis la rue s'agite, c'est-à-dire qu'il faut accepter, momentanément, de se perdre de vue. Devenir ordinaire en somme. Mais la main tient toujours la main, leurs traces sont irrévocables.

Tout recommencera.

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Frontières (21)

Il faut approcher les frontières pour les connaître, sentir sur leur parcours ce poids du ciel mais une pesanteur vide, découvrir les différences des paysages qu'elles séparent, mais elles sont aussi le paysage, infiniment courbes ou brisées, en négatif dans la terre qu'elles lacèrent, en creux.

Une frontière est un creux, un vide sur le plein, une soudaine absence, une rupture de la couleur et des matières, un vide surgissant. Un silence.

Alors aux confins de soi, la pensée se dissocie, scindée par ces creux, se désassemble dans de pitoyables mouvements et s'effondre. Elle ne peut plus nommer, devient inaccessible à elle-même, où les frontières la rendent étrangère et inoccupée. La pensée absente, prisonnière de ses limites.

De ces voyages, les retours sont sans bagages. Seulement la prudence à l'égard de ces lointains, de ces rencontres, comme des manquements à la parole dans les mots qui manquent.

Jusqu'à l'abandon du sommeil. Chaque mur est une mort en soi.

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Frontières (22)

Comment le monde se divise-t-il ? De qui dépend-il pour se maintenir ainsi parcellaire et fragmenté - imparfait - qui ne contient ni cosmos ni machine ronde où tout flamboiement serait l'illustration de son unité ?

Où s'effondre le monde quand les séparations deviennent hiatus, quand un creux se vide et que les brêches ainsi ouvertes ne tiennent que par la lumière qu'elles laissent filer sur leurs bords ?

Rendez-vous demain sur les lignes de démarcations, toutes les lignes qui fragmentent la perspective et dressent les obstacles qui rendent exténuant le mouvement. Rendez-vous demain dans l'humaine condition du monde. Il y aurait, en trompe-l'oeil, des lignes qui se toucheraient, se rejoindraient, assureraient la solidité du maillage de sa matière ; une peau qui rassemblerait et éviterait la dispersion.

Au contraire, le monde se scinde - indifférence, faute, défaut. L'humanité manque de lumière et les rêves, comme tout rêve, enchâssés dans le vide, tombent encore.

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Frontières (23)

Une passerelle franchit parfois les frontières, trouée dans le ciel, enjambement dans un sursaut arrêté. Voilà la coulée dans l'enchevêtrement de nos hésitations à les passer.

Ce sera une écriture, des rythmes inattendus - possibles pourtant - qui dessineront les déliés et les pleins de ces sauts au dessus de nos ruptures et de l'inachèvement de notre pensée.

Prenons la passerelle à la rencontre d'autres passages car si nous avions à suivre ce fil des frontières nous aurions aussi à sauter, de bas en haut des pièges qu'elles cachent et des fausses perspectives qui jalonnent leur tracé.

Frontière sur frontière, nous glissons par mouvements successifs sur d'autres lignes qui, parce que nous devinons qu'elles auraient été nos lignes intimes, s'effaceraient par notre seule venue.

Où sont les passerelles de nos renoncements ?

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Frontières (24)

Intimité, cette frontière en moi ! Intimité pleine, soulevée de son nid et de sa chaleur au moment de la franchir. Intimité, cette ligne qui n'existe qu'en moi !

Mon intimité, cette frontière !

Une terre en moi à perte de vue scindée par des creux de frontières où convergent mes pensées apatrides.

Il faut border les frontières d'autres frontières, mécaniquement jusqu'au chaos. Comme une habitude morale.

Jouer de ces entrelacements qui, même s'ils donnent le sentiment de tourner en rond, fusent droit dans le cerveau jusqu'à l'unique apogée, focale de toutes les frontières, qui me tient rattaché. Ainsi porter haut le bonheur de s'y perdre.

Intimes frontières en moi qui jalonnent toute pensée jusqu'à son aboutissement.

Intimité parfaite des frontières.

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Frontières (25)

Chère N...

Fie toi à ton instinct. Il dit sans démontrer. Les frontières sont ainsi : bonnes diseuses des rêves cachés qui se passent d'explication.

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Frontières (26)

A l'origine, autour de la fontaine, les frondaisons couvrent le sol de régularités fines et élevées, des roseaux courbent la lumière, des branchages libérés du vent haussent le soleil vers les étoiles, des feuillages éparpillés donnent au ciel sa couleur argentée, du plus noir de la nuit au plus clair du jour. Les fondations de l'origine n'ont pas résisté ; la pluie a lavé les feuilles, détrempé les racines, pourri le tain et l'écorce des miroirs ; le vent lui a succédé arrachant ce qui restait de mémoire.

Plus tard, ce sont les mots qui ont disparu, ceux qui disaient les orages et les lenteurs des cieux bouleversés, ceux qui disaient les longues avenues désertes et les couleurs du soir, entre l'or et le noir, ceux qui permettaient d'expliquer le ciel sans en dire plus que son élévation et sa profondeur, ceux qui chantaient quand le coeur n'y était plus, tous ceux qui renversaient le malheur et donnaient du bonheur, disparus dans d'autres mots plus droits mais moins fiables.

Revenir à l'origine devint secondaire. Seule la bonne expression comptait. On recourra aux paroliers et aux conteurs, aux diseurs des fortunes perdues, des apôtres tentèrent l'aventure, des anges aussi et des rois. On perdit l'origine. Tous donnèrent dans le sacrifice de mots. Aujourd'hui, les arches et les coursives, les échappatoires le long des cloîtres fermés, les terrasses comme les greniers à grain sont vides. Il reste cette fontaine, espace  épuisé et silencieux, où l'eau coule sans enchantement.

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Frontières (27)

Exergue

Mais deux sortes de champs s’ouvrent à ma pensée : le premier, celui de l’être limité, distinct du reste du monde, et dont l’intérêt bien compris est sordide ; et le second, celui de l’être souverain, que je demeure, qui n’est au service d’aucune entreprise et pas même de son propre intérêt égoïste...

(Georges Bataille, René Char et la force de la poésie - Critique, octobre 1951)

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Frontières (28)

Le merveilleux du silence est l'ombre résurgente soulignée d'un fil de la lumière bleue, répétée sur le silence même.
A la frontière - ce supplément d'âme du silence - il faut se résoudre à patienter, mettre pied à terre, se défaire en quelque sorte d'une plus longue attente, celle des jours qui seraient heureux. Etre là, décider de passer, avancer, traverser l'ombre.

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Frontières (29)

L'horizon, au bout de la main, plié sur ses bords, ourlé dans son extrémité, marque la limite des lignes et des séparations. Le sort veut qu'il tombe sur lui-même et chaque chute enfle ses flancs d'une lumière nouvelle, d'une couleur en chapelet qui le maintient encore droit.
L'horizon droit sort de cette périphérie plate qui l'absorbait entièrement pour devenir la première silhouette visible de lui-même. Aujourd'hui il vit retranché. Demain il sera orée, rive et lèvre du pays et de ses commencements, grande frontière étagée de haut en bas des confins de la main qui le porte.

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Frontières (30)

Elle est un rêve visité - ses quartiers et ses rameaux sont nos contrecoeurs - cette frontière en soi qui nous astreint à rejoindre notre départ. Revenir pour effacer l'ombre.
A proximité, les portes de la demeure familière sont fermées.

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Frontières (31)

Les frontières s'écrivent en bleu et noir sur un ciel simple, découvert, parfois blanc, un ciel intact dans toutes ses dimensions, accroché à des lanternes toujours allumées qui lui opposent des halos plus pâles qui rehaussent ses teintes, surtout le soir à l'approche des nuits pleines quand les dégradés d'or, de noir et de gris estompent tout mouvement alentour.

A proximité des hommes passent ou attendent qui échangent quelques mots, un signe, une reconnaissance d'un geste rapide et franc. Ce sont les fantômes des matins clairs et froids. Devant eux, des grilles et des protections, des veilleuses et des tourelles, des entrées et des sorties, des interdits, des couloirs de herses rouillées qui noircissent sous la pluie, quelques abris vides, des voies interrompues et des claustras où ils s'appuient pour respirer plus lentement sous le premier soleil. Ils négligent parfois de flâner.

A chacun sa frontière et, à portée de voix, la même ronde nocturne où des spectres observent leurs ombres. Le ciel est simple qui les protège, qui plonge dans l'orange laiteux de ce qui serait le début du monde, sa séparation aussi, son effondrement et son terme. Les frontières se nourrissent de ciel rayonnant en procession, d'éphémères espaces abruptement brisés aux lucarnes des bunkers, d'extase primordiale entr'aperçue dans les saillies en terre ennemie. Les déambulatoires n'offrent d'échappée que vers le haut.

 

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Frontières (32)

Exergue

On a beau fermer les livres, quitter les femmes, changer de ville, renoncer aux métiers, gravir les montagnes, traverser les mers, franchir les frontières, monter dans des avions, on ne sort pas de son rêve.

(Pascal Quignard, Abîmes - Dernier royaume, III, 2002)

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Frontières (33) - Vers Ranchi II

Chère N...

Au kilomètre 25, vers l'est, l'accotement cède sous les roues, mettant en danger les êtres et le matériel. Pour prévenir une chute éventuelle - un ravin longe la route qui longe les herses et les haies de barbelés - et malgré l'étroitesse de la route, nous roulons au plus près de l'enceinte, au risque d'accrocher l'aile du véhicule ou d'arracher les pneus. la manoeuvre est délicate, le bas-côté fragile, la ligne suivie à peine une marge de vie.

La voie étroite plonge dans la nuit éclairée par le faisceau des phares, la route s'ouvre et se ferme simultanément bordée du vide noir - seul l'éclat du métal la retient de tomber - ouverte sur des embrasures éphémères, fermée comme une main se referme, brutale et nouée. Nous sommes un segment sur la nuit, une hachure sur la ligne qui nous porte. Des lambeaux de nous-mêmes ramifient aux extrémités des herses, nous faisons corps avec la peur.

Parfois la route s'élargit, les bornes s'effacent dans l'ombre et l'ombre devient la seule lisière de nos affrontements, notre souffle s'apaise, la main se calme dénouée de ses ascendants et, dans cette fraction de seconde où la limite redevient frontière, comme un simple ourlet sur la terre qui souligne sa pente, fermer les yeux, sortir de l'agonie nerveuse qui nous tient en survie, sortir du feu et de froid qui, à trop prendre, anéantissent le plaisir.

Dans les marches de la nuit, à flanc des commencements, au rebord de nos souffles, côte à côte aux confins de soi, nous voilà déliés de la nécessité du monde, du sens des fins auxquelles nous sommes astreints. La vérité tient à un fil qui casserait si nous savions le rivage accessible, l'orée possible, mais la route se referme et dans les lèvres ouvertes de la nuit, les spasmes reprennent.

Les biens précieux sont ineffables.

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Frontières (34)

Les frontières sont les lignes d'une main ouverte, passées les ombres, passé le silence, passée la nuit.
Une main ouverte sur le ciel incendié. Une main ouverte en soi.

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Frontières (35)

La magie de l'ombre dans la magie de la lune donne aux frontières leur scintillement ingénieux, presque inspiré. Elles ne sont plus cette insulte au commencement du ciel qui, dans la sorgue de nos jours, dessine l'horizon et sépare les mondes. Au contraire. Elles rendent intelligible notre regard même si, dans un silence raide et inquiet, elles dressent, devant nous, l'effrayante vérité de leur raison d'être.

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Frontières (36) - Vers Ranchi III

Chère N...

Dans la nuit de Ranchi, à l'opposé des prédictions, il y eut le plaisir qui fait naître, le murmure qui donne faim, l'instinct du mouvement et des fausses redditions, l'intention du feu faite providence, le goût de l'autre en soi, l'intuition de l'oasis quand les corps écrasés s'imaginent, se pressentent, se menacent et guettent le moment précis de leur éternité à être, il y eut tout le futur, la générosité du bruissement de la nuit, la fin des frontières, l'idée de soi en l'autre, l'impatience faite patience, la patience faite fantaisie, la tendresse impudique, il y eut l'immense entre-deux de l'autre en soi où le désir se guérit, reprend et saillit à nouveau et renaître avec lui inapaisé de l'ivresse de tomber.

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Frontières (37)

Toutes les frontières valent ce qu'elles apportent. Elles dessinent des royaumes à demi.

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Frontières (38)

Exercice 1 : Passer la frontière.
Exercice 2 : Passer outre.
Exercice 3 : Traverser soudainement.
Exercice 4 : Recommencer.

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Frontières (39)

La grande porte est ouverte. En perspective, une allée droite cassée par l’ombre des arbres, de grands arbres mauves et bleus, irrésistiblement élevés vers le ciel et, au pied de l’ombre, les traces plus sombres, comme soulignées, des bords du chemin, lignes tirées de chaque côté de cette fuite en avant, mais arrêtée, immobile et intacte. Au fond, un petit bout de terre, à peine distinct du ciel, du reste du ciel caché par la masse éblouie des feuillages. La grande porte est ouverte, c’est-à-dire qu’elle donne le cadre de cette vision majestueuse d’aplats bouleversés élancés - ordonnés - vers un vide blanc, qui surgit d’un autre vide, appuyé sur lui-même, débouchant sur d’autres visions à pic, pures, délivrées des obstacles du sol, éclairées par la seule lumière des bords du ciel. La grande porte est ouverte, c’est-à-dire qu’elle ordonne un monde qui s’enflamme et qui brûle, subtil où l’ombre retenue se disperse de feuille en feuille – ne se détache pas – et revient, désamarrée un instant des branches qui la font naître, berceau fragile de cette clarté qui vient, réverbérée jusqu’au point où elle danse et, se mêlant à elle, éclate encore pour tomber et s’élever encore. La grande porte est ouverte, c’est-à-dire qu’elle édifie le ciel jusque dans les soupirs et les silences qui se dissipent en lui, jusque dans les plus petits obstacles – les scrupules – sur lesquels il devient impalpable, immatérielle main tendue au front de la lumière, garde-fou de toute l’architecture fluide qui nidifie à son sommet. La grande porte est ouverte et l’horizon, juste entr’aperçu, planté droit, en face, est le vertige franc d’un ciel où il fait bon aller.

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Frontières (40)

Mais j’ai tellement envie d’être à demain pour savoir de quoi la nuit aura été porteuse et jusqu’où votre marche vous aura conduit.

(Lokenath Bhattacharya, Votre exploit, Ed. du Rocher, 2001)

Parfois, il faut refuser d’un calme mouvement de la tête qui dit non, sans entêtement et sans détour, simplement un non de la tête ; parfois, il faut déserter, sauter les talus, oublier son enfance, s’enfoncer ailleurs, loin, vers des frontières inconnues, les atteindre, parfois ; parfois, il faut fuir, déranger le temps en soi, accroître l’espace en soi, subvertir les besoins, naître avec le désir, et fuir comme un non persistant. Quand la nuit est venue, après la nuit, toutes les autres nuits seront semblables, mortes, sans souffle et sans mémoire. La nuit qui passe ; et dans cette nuit ne connaître que la fuite, cette mémoire blessée du savoir ; l’ombre tombe sur la nuit pour mieux nous aider ; mais la nuit cède sur l’ombre et ne cesse de nous séparer.

Parfois il faut consentir à détruire, instruire pour libérer, chasser sans atrophier, sacrifier sans renoncer ; la nuit extravagante arrachée à son désir, errante et infidèle, erreur du réveil, la nuit durera l’obstination du silence. Un incendie fait rage où la nuit travestie joue en trompe-l’œil dans le miroir de ses vraisemblances, nuit après nuit ; et la nuit finira comme une maison détruite quand il n’y aura plus de terrain pour courir, ni de raison de fuir, ni de rêve pour s’extirper du monde ; la nuit finira par un écart en soi, hallucinée, entre la matérialité du monde et la certitude du réel.

La main considérable qui limite notre esprit est un marteau intime et intolérant qui nous tient en quarantaine, hors de nos habits, loin de nos masques ; immobile et indomptée, voilà la main de cette réminiscence bleue de la nuit vers le jour ; où le jour est apparu, nous étions là ; où le jour a fait éclat, nous étions là, près de la frontière. Passerons-nous enfin ? Où le jour est apparu, nous soupçonnions, parce que l’inquiétude était à son comble, qu’à l’intérieur de soi, il n’y aurait place – dans un divertissement sans défaut - que pour les faux-semblants du clair-obscur, où les traces de la terre finissent, en butée, sur les scintillements des barbelés. Nous passerons en fraude. Et ce sera notre intimité brusquement accidentée qui, un instant – parce que l’orage accapare le ciel – tiendra lieu de sauf-conduit.

Toute cette sténographie inexplicable qui, dissimulée en nous, rompt encore en nous ; confidence contre confidence, nous consignerons nos ombres sur les grands registres du silence. Les barbelés ripolinés sculptent la froide orthographe de notre fin en nous ; notre fin du jour quand le jour finira. Ainsi le divorce a sa place en nous, ouvert, apparence du dehors, maintien du futur, évidence de l’attente ; le divorce en nous comme un froid se déplace d’un ordre à un ordre, d’un ordre à un désordre ; et quand le rêve s’en prend à nous et quand le rêve nous brise, nous touchons à notre faiblesse ; ce manquement au réel, cette fantaisie du réel dans la rupture bleue entre les parties du ciel, cette inversion du bonheur pour des désirs moins vrais et des plaisirs moins forts.

Au-delà de la frontière, il y a des frontières, des lapsus, tous les faux-pas de nos hallucinations. Nous trébucherons, presque aveugles. A cette condition, les frontières existent ; à cette condition, la fuite est impossible et le jour sera venu pour rien ; et dans nos yeux morts, il y a la mort, hypocrite et vaniteuse. A cette condition, peu importe les frontières, peu importe la fuite. En nous, le monde suffit à sa vérité, le monde ouvert en nous de la mémoire du jour. Parfois, il faut dire non ou déserter ou fuir, selon l’occasion, quand la nuit qui s’achève laisse une arrière-pensée amère, un entre-deux vide, dans le huis-clos du désir et de la mort.

Dans le huis-clos en soi, pour cette nuit imprévue, nouvelle, vous et moi saurons visiter nos rêves, terminer l’aventure à l’orée d’autres frontières, mais elles seront transparentes, légères, répétées dans l’arrière-fond du ciel ; jusqu’au ciel justement infiniment vide ; vous et moi saurons dire et taire tout à la fois la nuit disparue et le jour élevé, la nuit dans le jour, le jour fermé sur la nuit et vous et moi fuirons encore parce qu’il n’y a pas de solution de rechange et dans la réalité blanche nous serons encore matière, vérité de la matière de nos songes car la nuit est ainsi, toujours en nous.

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Frontières (41)

Mais le jour est venu, mais le voyage continue, mais la route déborde ses promesses, mais à l'arrêt dans la fumée d'une cigarette le ciel se défait de ses couleurs, laissé intact pourtant dans la vision qu'il donnait de lui, mais la route reprend, mais le silence aidant on s'éloigne de soi, mais on est que la route devant soi.

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Frontières (42)

Chère N...

Il y a dans le mouvement du monde une blessure que porte le silence à exaspération. Nous avons détourné les yeux. Nous ne voyons plus cette blessure. La lumière est trop crue et le silence toujours indemne.

Et cette blessure monte en nous, intelligente, sans manquement à sa destination, sans détour pour progresser, avec cette main solide qui nous tient, sans défaut pour ce qu’elle accomplit, voilà une mise en scène parfaite.

Quand la réalité miroite au point de sa rupture, nous succombons à ses méthodes, cette minutie à ordonner notre vision et le désir de cette vision, décision de vivre inséparé d’elle-même malgré les heurts, la foudre et l’illusion.

Et dans l’entre-deux illuminé qui s’insinue en nous, plein au lieu de vide comme nous le pensions, plein des inventions de notre regard diverti de frissons inavouables, plein des murmures d’une nuit habitée, la vie reprend ses droits.

Rien que la vie, même assaillie, la vie dans un pas de danse, la vie dans un bond et ce pas sera suffisant pour atteindre le milieu du monde, simple et suffisante décision d’en fixer l’origine, la grâce et l’horizon.

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Frontières (43)

Place ! Place ! Toute la place pour un royaume où la main donne et le regard tendu hausse le plaisir à sa perfection. Et si nous trouvons refuge dans des bras qui se referment sur nous, place encore les yeux fermés, place encore pour un bonheur ouvert.

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Frontières (44)

La réalité est interminablement la réalité ; la terre, le sol, l’espace irrémédiablement eux-mêmes ; la femme, l’homme, les dieux, l’enfant décidément eux-mêmes et la réalité roule ses orages et ses plaintes dans les recoins ouverts de sa matière, matière diaphane, impalpable, souveraine.

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Frontières (45)

A notre avance répondent des murs invisibles mais dressés, devenus infranchissables autrement qu’en reculant, jusqu’à tomber de peur, de cette peur de perdre la lumière, c’est-à-dire de perdre ce qui pourrait être vu ou ce qui pourrait être touché si nous n’avions pas renoncé – dans un détournement involontaire – à défaire, point par point, avec une minutie hors mesure, nos visions intimes, du dedans vers le ciel, du ciel vers le reste du monde, puis revenus à nos gestes, nos danses et nos chants, à détruire encore ce qui nous maintenait debout contre nous-mêmes. En quoi notre vie s’accorde-t-elle à ces frontières en nous qui n’ont d’autre consistance que celle de notre désespoir à les atteindre ?

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Frontières (46)

Il a dit le monde révulsé, soustrait à sa vérité et, prétextant l'orage, l'éclair et les roulements diaphanes d'un ciel qui s'effondre, il a dit le monde qui s'élève, bleu et grandi, bleu et souverain et, parce que sa mémoire n'est pas aussi parfaite qu'il voudrait bien le croire, il a dit le monde ourlé de plis qui vient buter contre ses frontières, monde magnifique comme une promesse de matin calme, apaisé, revenu de l'enfer et, partageant sans compter ce plaisir subreptice d'une lumière qui nait, il a dit le monde, autour de lui, en lui, qui n'a d'autre finalité qu'être pour lui.

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Frontières (47)

En ouverture, la réception des témoins. Suivant un ordre défini à l'avance.
Puis le partage.
Puis la traversée du ciel, un ciel clair posé sur un coin de ciel.
Puis l'histoire recommence, c'est-à-dire réception ordonnée du silence et déception de ne plus voir le ciel que replié.
Puis sortie de l'histoire.
Vient la fin, longtemps après, à cet instant où le ciel n'est plus le ciel mais seulement une absence, un oubli, un ourlet de plus sur la terre qui devient ombre, ombre d'elle-même.
Puis la fin.
En final, rappeler les témoins, bavarder comme si de rien n'était.
Rien n'était. Rideau.

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Frontières (48)

Martel en tête. Décidément reculer encore, se donner une vision, élargir le champ, saisir d'un seul regard, ouvrir l'espace reçu en soi.
Marquer le pas, faire ce petit écart de côté pour placer la lumière au-delà de ce qui est vu, faire des ombres pour augmenter la luminosité du ciel, derrière, loin devant soi.
Reprendre la pente, décidément monter encore, trouver le souffle, se déterminer pour un autre point de vue, fermer les yeux, comparer ce qui, fugitivement, disparait, puis revient, plus mal ou mieux placé, encore un pas pour gagner le meilleur équilibre de cette vision de coin de monde marqué par cette haie de barbelés.

Passer outre le pas qui hésite, partager l'absurdité de cette hauteur nécessaire et insuffisante.
Se dire qu'au-delà de cette vue la blessure se poursuit en dehors de tout regard, de toute présence pour l'attester, se dire qu'il faudrait y aller tout en conservant ce désir de bien voir pour comprendre les détours et les recoins de cette frontière.
Il aura bien fallu que certains en définissent le traçé, que d'autres l'exécutent, là, sur le terrain, mais ne jamais renoncer à se dire qu'il y beaucoup de vanité à scinder ainsi la terre en deux, en trois, en mille, beaucoup de vanité et peu d'orgueil.

Décidément placer haut la volonté de comprendre et avancer, puis reculer, puis suivre à grandes enjambées ce fossé, ce mur, ces herses, ces rives naturelles et ces orées aussi érigées en limite.
Revenir sur ses pas, descendre la pente, gagner du souffle, lever encore les yeux, sentir la lumière tomber, sentir son poids, sentir jusqu'à l'étourdissement, dévaler quelquefois pour éprouver le bonheur d'aller à l'abandon, imaginer que rien n'arrête notre course, imaginer merveilleusement la terre indemne.

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Frontières (49)

A présent, aujourd'hui, à l’approche d’une frontière rien ne résiste, ni ce qui venait, ni ce qui a existé : le seul maintenant, hic et nunc. Inutile de se retourner, il n’y a qu’une route qui mène jusqu’à soi, peu importe d’où elle vient, peu importe par où nous sommes passés : seule la frontière approchée importe. Derrière soi l’inconnu devenu, ces portes qu’il faut fermer, qui pourtant ne cachent rien, fermées plus par habitude que par nécessité car rien ne peut désormais nous déranger, il y a seulement le bout de la route, la frontière approchée. Convenir que cet écart en soi était attendu mais comme on attend sans impatience ou sans surprise ou sans empressement à changer. Et voilà la frontière.

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